« Nous luttons avec l’œuvre comme Jacob avec l’ange »

De nouvelles études sur Bernanos, une nouvelle édition de ses œuvres romanesques dans la ‘‘Bibliothèque de la Pléiade’’

 

Joseph Jurt

Georges Bernanos, Œuvres romanesques complètes, suivi de Dialogues des carmélites, Tome I, éd. par Pierre Gille, Michael Kohlhauer, Sarah Lacoste, Élisabeth Lagadec-Sadoulet, Guillaume Louet et Andre Not, préface de Gilles Philippe, chronologie par Gilles Bernanos, Bibliothèque de la Pléiade 155 (Paris : Gallimard, 2015).

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Les œuvres de Bernanos ont été souvent classées sous la rubrique du “roman catholique”, association à laquelle l’écrivain s’est opposé dès la publication de son premier roman, Sous le soleil de Satan. Cette classification lui paraissait trop étroite. « Le catholicisme n’est pas une règle seulement imposée du dehors », déclara-t-il dans un entretien en 1926, « c’est la règle de la vie, c’est la vie même. Toute œuvre d’art qui exprime quelque chose de la vie intérieure nous appartient par là même. L’analyse profonde des passions suppose la notion du péché. Sans elle, l’homme moral reste un monstre au sens exact. »1 Bernanos avait en effet dépassé dans son roman le moralisme. La ligne de clivage ne se situe pas chez lui entre les “bons” et les “méchants”, mais entre ceux qui s’engagent et qui vont jusqu’au bout et les médiocres. Il semble reprocher implicitement aux écrivains catholiques de s’en tenir aux catégories moralisatrices, de rester redevables à l’idéal de “l’Honnête Homme”. C’est significatif qu’il ne se réclame pas tant de Corneille et de son « sublime grec ou romain » que de Racine qui en surmontant « l’homme moral » a retrouvé « l’homme pécheur »2.

Bernanos ne prit pas seulement ses distances par rapport à une certaine tendance moralisatrice de la littérature catholique. Le courant du “Renouveau catholique” s’était défini comme un humanisme chrétien. C’est notamment François Mauriac qui a illustré dans ses romans cette dimension en thématisant la religion dans sa dimension sociale, en révélant le décalage entre des apparences (prétendument) chrétiennes et la réalité au sein de la bourgeoisie et exprimant la sympathie avec les exclus de cette classe. Mauriac a été marqué par le milieu grand-bourgeois, même s’il prit aussi ses distances par rapport à ce contexte. Bernanos connaissait moins ce milieu et on ne s’étonne pas qu’il ait été plus sensible aux problèmes existentiels, à la religion dans sa dimension verticale. Pour lui, la singularité rêvée de l’homme est une illusion et il interprète les actions humaines souvent comme le fruit de l’héritage biologique ou plus encore de l’intervention du surnaturel. Cette vision radicalement surnaturaliste ne pouvait pas être partagée par les “humanistes”. Dans son compte rendu de Sous le soleil de Satan, Mauriac soulignait ce qui séparait l’univers bernanosien de sa propre conception fondée sur un humanisme chrétien :

Ne forçons pas notre talent : à peine sommes-nous capables de relever dans les actes humains les traces de Dieu [] et c’est pourquoi très pauvrement nous étudions l’homme – non pas le solitaire ni le saint, mais l’homme du troupeau, notre semblable, notre frère.3

Bernanos prit aussi ses distances par rapport à une conception de l’Église qui considérait les écrivains catholiques comme des prédicateurs laïques qui devaient “illustrer” le message ecclésiastique. La tâche de chaque écrivain était à ses yeux de faire d’abord de la bonne littérature sans ménager qui que ce soit :

[] tout livre est un témoignage, et le premier mérite d’un témoignage est d’être sincère. L’artiste a un regard plus aigu que les autres, et ce qu’on lui demande, ce qu’on est en droit d’exiger de lui, c’est qu’il dise ce qu’il voit réellement – non pas ce qu’il désirerait voir, ou ce qu’il lui est ordonné de voir. [] La médiocrité dans l’art est un scandale, et ce scandale est d’autant plus grand que l’art médiocre a plus la prétention d’édifier.4

Des propos similaires se trouvent dans un article sur le poète brésilien Jorge de Lima :

Dieu nous garde des poètes apologistes ! S’il y a une honte pour nous, c’est de voir si souvent mettre, au service de la vérité, des méthodes de propagande systématique qui paraissent empruntées à la hideuse politique, prétendent insolemment diviser l’indivisible vérité, la partager entre vérités à dire et à ne pas dire, opportunes ou inopportunes, regrettables ou consolantes, dangereuses ou inoffensives, comme s’il y avait des vérités sans risque.5

À partir de là, on comprend qu’il refusait le nom de romancier catholique, se considérant simplement comme » un catholique qui écrit des romans, rien de plus, rien de moins. »6 Ce qui définit selon lui la littérature c’est l’évidence esthétique et non pas l’édification, un témoignage authentique et non pas l’illustration d’un programme donné.

Les romans de Bernanos sont sans aucun doute inspirés par la dimension du surnaturel dans sa dimension verticale. Des études ont souvent dégagé les contenus théologiques de ses œuvres, d’une manière magistrale le théologien suisse Hans Urs von Balthasar dans sa somme Le Chrétien Bernanos7. D’autres travaux, plutôt rares, ont porté uniquement sur l’aspect formel des romans de Bernanos, par exemple l’ouvrage Dimensions et structures chez Bernanos de Brian T. Fitch8. Mais ce qui fait l’originalité, voire la modernité de Bernanos c’est qu’il a trouvé une forme tout à fait spécifique et évidente pour thématiser le surnaturel. On ne saurait élucider la dimension formelle et proprement littéraire de cette ouvre sans la rattacher à la dimension du “contenu” qui est loin, comme le pensait Gide à l’époque, l’expression d’un romantisme désuet.9

Cette double dimension a été très bien dégagée dans des études sur Bernanos qui ont paru au cours de la dernière décennie.

Qu’on pense d’abord à l’ouvrage Bernanos, littérature et théologie d’Éric Benoît10 qui a paru en 2013. Pour l’auteur, la littérature avec toute sa dimension formelle est chez Bernanos au service d’une théologie, comme l’écrivain l’avait affirmé dès la parution de son premier roman : « Il faut rendre le plus sensible le tragique mystère du salut. »11 Ce qui paraît le plus important, c’est de « rendre sensible » un message. Il ne peut nullement s’agir d’un exposé théorique et abstrait comme le pratique la théologie officielle, mais d’une traduction par des moyens proprement littéraires12 Éric Benoît relève à juste titre, après tant d’autres, comme donnée fondamentale de la conception bernanosienne du christianisme le concept de la « Communion des saints » qui fonde ses romans, à savoir une histoire du Salut solidaire où « la souffrance des uns peut contribuer à la rédemption des autres »13 Cette idée sous-tend en effet toute l’œuvre de Bernanos, du Journal d’un curé de campagne – où le curé d’Ambricourt évoque et vit cette « solidarité qui nous lie les uns aux autres, dans le bien et dans le mal »14 jusqu’aux Dialogues des Carmélites où Constance dit « On ne meurt pas chacun pour soi, mais les uns pour les autres, où même les uns à la place des autres »15, selon Maud Schmitt « une formulation qui se lit, alors, comme un programme poétique ».16

Si Bernanos a opté pour la littérature, c’est aussi parce que, selon Benoît, le langage du roman parle d’abord au cœur plus qu’au seul intellect, une préoccupation qui informe également ses écrits de combat. « L’art ne m’empêche pas de dormir », écrivit-il à Geffroy Knox quand il souhaitait une modification dans un de ses articles, pour continuer : « Si j’en ai un, je voudrais qu’il ne m’ait jamais servi qu’à toucher plus directement les cœurs. L’art c’est de parler aux âmes. »17

En plus, son écriture romanesque et politique est informée par la conception fondamentale du christianisme, à savoir l’Incarnation. Il n’entend pas se payer d’idées, affirme-t-il dans une conférence sur « la révolution de la liberté » en 1944.

Qu’importe l’idée inscrite sur un papier froid, ou dans un cerveau presque aussi froid que le papier ! Il faut qu’une idée s’incarne dans nos cœurs, qu’elle y prenne le mouvement et la chaleur de la vie. C’est un point de vue qui devrait être familier à tous les chrétiens, si la plupart n’avaient depuis longtemps préféré la Lettre à l’Esprit – le Verbe de Dieu s’est fait chair.18

Si Bernanos entend rendre sensible le « tragique mystère du salut », cette dimension est surtout « mystère ». Benoît insiste sur le fait que le surnaturel relève de l’indicible ; le roman bernanosien est obligé de présenter le non-présent : « Dieu absent ». Comme Mallarmé ou Blanchot « confrontés à l’impossible expression du vide, Bernanos se trouve obligé de compenser, par le travail poétique de la langue, l’absence de référence lié au divin. »19 Par la représentation du néant, du désespoir et du mal, il suggère le divin en creux et renoue par là avec la tradition mystique de la théologie négative.20

Si le surnaturel ne relève pas du représentable, c’est à la structure du récit de le suggérer. Benoît relève dans ce contexte la temporalité spécifique du roman bernanosien qui n’est plus constituée par la continuité d’une intrigue, mais par des moments d’irruption du surnaturel.

L’instant bernanosien est orienté non seulement horizontalement selon sa position (discontinue) entre un passé et un futur, mais surtout verticalement, dans sa relation à l’Éternité, transcendante au déroulement chronologique. C’est un temps orienté métaphysiquement et non pas mécaniquement. Chaque instant est en communication avec l’Éternité.21

Dans ce contexte, on peut ajouter que Malraux a été un des rares critiques sensible, dès la parution de L’Imposture (1927) à la temporalité spécifique du roman bernanosien dont la technique romanesque est informée par une vision du monde métaphysique et non plus psychologique ; certes, la nature du métaphysique entre les deux auteurs diffère beaucoup ; mais structurellement, il joue le même rôle. Le point de départ de ce type de roman n’est donc plus le personnage dans sa cohérence psychologique. « Ce qu’apporte Bernanos », écrira Malraux au sujet du Journal d’un curé de campagne, « est de l’ordre de la symphonie : louange furieuse de dieu, exorcisation furieuse d’un Mal intarissable [] Bernanos tente le poème du sacerdoce, donc du surnaturel. Ce n’est pas le sujet qui change, c’est le personnage qui disparaît. Même ce qu’en avait conservé Dostoïevski. »22 Non seulement le personnage, l’intrigue aussi a, selon Malraux, dans l’œuvre de Bernanos « une importance secondaire » : « ce qui est primordial c’est une certaine catégorie de conflits. »23 La structure de ce type d’œuvres est pour Malraux la preuve que le roman moderne est, « un moyen d’expression privilégié du tragique de l’homme, non une élucidation de l’individu. »24 La structure dramatique du roman bernanosien qui isole un certain nombre de crises poussées au paroxysme et ainsi un signe indubitable que le roman a alors pris le relais de la tragédie. Malraux insiste dans ce contexte sur

[…] le lien avec la tragédie grecque, où s’affrontent l’Homme et le Destin. Comme elle, l’œuvre de Bernanos est une chaîne des plus hauts affrontements, séparés par ce qui les prépare – ou les encombre, en attendant l’oubli.25

Éric Benoît s’en tient plus strictement aux indices concrets de la temporalité dans le roman bernanosien en relevant les nombreuses ruptures temporelles, la récurrence des ellipses, les adverbes soulignant la soudaineté, le récit mettant en œuvre une stylistique théologique.26

Benoît relève comme un autre trait spécifique du roman bernanosien l’organisation du récit comme une parabole suivant le modèle de la parabole biblique. Ce qui caractérise cette organisation du récit c’est la surimposition de deux niveaux de sens, le sens littéral de la diégèse conduisant à un deuxième sens implicite et supérieur au premier. Le sens symbolique n’annule pas le sens littéral, mais coexiste avec lui. Ceci expliquerait la double postulation du roman bernanosien de réalisme et de surnaturalisme qui n’est pas, selon Maud Schmitt, sans rappeler la lecture figurative des Écritures du Moyen Âge.

Éric Benoît a ainsi relevé avec l’élément formel de la parabole un élément important du roman bernanosien inspiré par le texte biblique. L’intertexte biblique dans les œuvres de Bernanos e a été analysé d’une manière systématique par Marie Gil27 dans son ouvrage Les deux écritures : étude sur Bernanosen 2008.28 Le paradoxe qui est au centre de l’œuvre bernanosienne, c’est, d’après Marie Gil, la relation entre la « Parole unique » absolue de l’Écriture biblique et une écriture littéraire répétitive, expansive et infinie : « Qu’écrire quand tout est écrit ? » L’auteure cherche une réponse en examinant trois types d’actualisation du texte biblique dans l’œuvre de Bernanos essayant ainsi d’éclairer le texte à partir de différents angles de vue. L’œuvre de Bernanos, « tout en étant innervée de citations et paraphrases bibliques », est à ses yeux, « moderne et déterminée par le questionnement de sa propre possibilité »29. L’auteure s’interroge d’abord comment le Nouveau Testament est inscrit dans le discoursde l’œuvre selon une perspective rhétorique et didactique, même si ces perspectives sont détournées à travers une volonté de remise en question de l’écriture. À travers sa recherche d’un « langage du cœur » qui entend parler immédiatement au lecteur, l’écrivain cherche à déjouer les pièges de la rhétorique qui réduit le Verbe à une simple éloquence. Ensuite l’actualisation du texte biblique est examinée dans la diégèsefictionnelle et les images. Il s’agit ici de la place de la Bible dans l’écriture mimétique du réel et non plus de celle qui tient un discours direct sur le monde et le Logos.

À travers une troisième perspective le texte n’est plus considéré dans sa surface ou dans sa linéarité, mais dans sa profondeur, sous la forme d’un texte effacé, d’un “palimpseste”. Ils’agit de saisir le texte total du second livre sous le premier. Sous l’existence des protagonistes de Bernanos on saurait ainsi déceler l’intertexte de Gethsémani ou du chemin de la Passion.

On ne peut qu’approuver l’auteure quand elle considère le “palimpseste” bernanosien comme un texte “kénotique’. La “kénosis” évoquée dans les épîtres pauliniennes – le Christ s’étant fait vide en devenant le dernier des hommes – me semble en effet être au centre de l’œuvre de Bernanos. Les figures christiques comme Chevance ou le curé d’Ambricourt ne se distinguent pas par la plénitude, mais par la faiblesse, le vide intérieur qui fera d’eux les instruments de la grâce. Marie Gil souligne à son tour que l’œuvre de Bernanos est informée par une théologie de l’Incarnation. En accordant le primat au concret Bernanos a donné, selon elle, une réponse chrétienne à ce courant philosophique important qui se développait à la même époque, à savoir la phénoménologie de Husserl – thèse qui me semble être nouvelle et parfaitement convaincante. La récriture biblique est ainsi non seulement une reprise de la théologie médiévale, mais aussi une réponse à la modernité. Ce n’est par ailleurs pas un hasard si Hans Urs von Balthasar qui a essayé d’intégrer les apports de la phénoménologie a été un des meilleurs interprètes (théologiques) de Bernanos.

Éric Benoît avait relevé l’intertexte biblique notamment à travers la dimension formelle de la parabole ; il avait en même temps suggéré de nombreux rapprochements thématiques et structurels entre l’œuvre de Bernanos et celle de Dostoïevski, par exemple une temporalité similaire qu’avait également soulignée Malraux : « Chez Dostoïevski, nous avons affaire à des personnages aux réaction imprévisibles, au comportement – improbable, en discontinuité par rapport à l’évolution attendue (d’où ce “défi aux lois ordinaires du temps”) ; l’instant apparaît alors comme une singularité qui apporte quelque chose de radicalement nouveau, que rien dans le passé ne pouvait prévoir. »30

Bernanos a été comparé à Dostoïevski dès la parution de son premier roman Sous le soleil de Satan, par exemple par Claudel qui admire dans une lettre adressée à Bernanos « ce don spécial de romancier », ce « don des ensembles indéchirables et des masses en mouvement » tout en continuant : « on retrouve le même don chez Dostoïevski ; L’Idiot, par exemple, est fait de cinq ou six grands mouvements, ou événements »31. La critique littéraire journalistique, elle aussi, a rattaché, dès le début Bernanos à Dostoïevski. Dostoïevski a été l’auteur étranger le plus souvent cité dans les comptes rendus de Sous le soleil de Satan dans la presse maisaussi dans les réactions aux romans postérieurs.32 La critique universitaire a consacré à la comparaison des deux auteurs seulement quelques rares articles. Une étude systématique faisait défaut.

La thèse d’Anne Pinot Expérience et sens du déracinement dans l’œuvre de Dostoïevski et de Bernanos (2004)33 comble ainsi une lacune. La comparaison est conçue comme une étude de « confluences », le tertium comparationis étant le déracinement. L’auteure entend saisir le déracinement dans son “incarnation” littéraire dans les romans à travers les structures spatiales. La première partie de la thèse dégage des éléments spatiaux qu’on retrouve dans les œuvres des deux écrivains comme traduction du déracinement. Comme premier espace apparaît la maison familiale, « le lieu du premier enracinement ». Mais ce lieu est menacé : la maison peut être refusée ou il faut l’abandonner ou la fuir. L’espace clos peut traduire un refus de communiquer ; à ce motif s’oppose le contraire, l’errance comme déplacement incohérent. L’auteure dégage ensuite très bien les descriptions de paysages chez Bernanos, celle de l’aube par Mouchette et le curé d’Ambricourt comme de beaux exemples de la conception de l’incarnation.

La deuxième partie de la thèse analyse le thème du déracinement à travers les personnages. Dostoïevski évoque le déracinement au sujet du fossé qui s’est creusé entre l’intelligence et le peuple, celle-là s’étant arrachée à la terre russe et à sa tradition religieuse. Il attribue une fonction messianique au peuple russe ; on pourrait trouver une valorisation similaire chez Bernanos au sujet de la France, notamment à travers la figure de Jeanne d’Arc. Bernanos conçoit, par exemple, dans des écrits rédigés au Brésil la France comme « une maison ouverte à tous, à tous les Français de bonne foi et de bonne volonté, quelle que soit leur opinion politique d’hier ou de demain. »

Mais je suis moins sûr que la fidélité à la terre ait la même importance pour Bernanos que pour Dostoïevski. Il y a certes chez Bernanos une fidélité à la vie quotidienne qui s’inspire de l’idée de l’incarnation. Mais un peu comme Hannah Arendt, il s’oppose à une conception biologique de la métaphore de l’enracinement. La route est pour lui une image beaucoup plus importante. L’homme en route n’est pas perdu, parce que la patrie est une réalité spirituelle. « Je n’ai pas perdu mon pays », écrit-il dans Les Enfants humiliés, depuis le Brésil.

Cette nostalgie des déracinés m’inspire même plus de dégoût que de compassion [] Rien ne fera jamais de moi un déraciné [] Ici ou ailleurs, pourquoi aurai-je la nostalgie de ce que je possède malgré moi, que je ne puis trahir ? Pourquoi évoquerais-je avec mélancolie l’eaunoire du chemin creux, la haie qui siffle sous l’averse, puisque je suis moi-même la haie et l’eau noire ?34

Bernanos s’insère dans la tradition d’une théologie mystique notamment à travers la thématisation du mal. Cet aspect est exploré par Sarah Lacoste dans son ouvrage Ce que la littérature doit au mal : une étude stylistique du mal chez Bataille et Bernanos (2014)35. L’auteure saisit à travers une lecture conjointe les univers littéraires de Bernanos et de Bataille bien que les deux auteurs ne se soient jamais rencontrés. Le rapprochement entre les deux par le biais du thème du mal, central chez l’un comme chez l’autre, se justifie largement.

Le point de départ pour les deux auteurs a été, selon l’auteure, le constat que la société moderne a perdu le sens du mal. Contre cette indifférence, les deux écrivains entendent « faire accéder le mal dans la littérature à la puissance d’une langue ». C’est par le biais mystique que l’auteure envisage le mal dans les œuvres de Bataille et de Bernanos comme modalité linguistique et stylistique. La « langue du mal » se manifeste dans les œuvres des deux écrivains à travers une écriture qui est proche des écrits des grands mystiques qui essayent de transcrire leur expérience. Les traits linguistiques et stylistiques qui caractérisent ce type d’écrit sont bien dégagés : fracture syntaxique, oxymores, paradoxes, antithèses, variations synonymiques et sur le niveau thématique la brèche, la fracture, le corps morcelé, les éclats de rire.

La mystique semble être dominée par le mal ; mais l’auteure parle toujours de la « langue du mal » – le mal tel qu’il s’extériorise dans l’écrit à travers des traits spécifiques. Ces traits ne semblent être perceptibles qu’à travers la lecture. Le point de vue critique adopté est celui du lecteur et non pas celui des écrivains. Selon l’auteure, c’est donc le lecteur qui crée le sens, mais elle corrige cette première affirmation en soulignant que le texte forme aussi son propre lecteur.

La mystique est définie comme lieu d’une fracture ou d’une révolte contre un ordre établi. La conception de l’écrivain relève chez les deux auteurs du régime de la singularité. Bernanos occupe dans le champ littéraire des années vingt une position singulière s’opposant à une orthodoxie littéraire placée sous le signe d’un certain esthétisme. La position de Bernanos dans le champ littéraire ne relève, en effet, d’aucune logique de groupe. Son entreprise est originale et solitaire. On aurait pu la caractériser comme “prophétique” en reprenant la distinction de Max Weber qui oppose le “prophète” qui se réclame de son charisme au “prêtre” qui se réclame de l’institution.36 Bataille ne se situe pas non plus dans une logique de groupe. Ceci se manifeste parfaitement bien lors de la fameuse “Discussion sur le péché” en mars 1944 lorsque sa position est à la fois récusée par les surréalistes, les chrétiens et les existentialistes.37

L’auteure souligne comme une autre ligne de fracture le refus d’une vision moraliste. Bernanos partage en effet ce refus avec Bataille. Lors de la “Discussion sur le péché” précitée, Bataille évoque la « morale vulgaire qui fait appel au mérite et propose comme fin le bien de l’être s’accomplissant dans le temps à venir et n’admet la mise en jeu que pour la cause utile ». On peut penser que Bernanos aurait partagé la position telle qu’elle avait été exprimée par Jean Daniélou dans le dialogue avec Bataille affirmant que « le moralisme est en un sens le grand obstacle à la grâce. La raison en est qu’il crée une satisfaction de soi, celle des pharisiens »38. Le clivage essentiel ne se fait pas, chez Bernanos, selon des critères moralisateurs, mais entre ceux qui cherchent l’absolu et ceux qui se confinent dans l’inauthentique, ou si l’on veut, entre les mystiques et les non-mystiques.

La parenté entre Bernanos et Bataille est non seulement vue à travers le refus de l’ordre établi et le refus du moralisme qui cherche l’utile. La parenté est surtout vue dans l’omniprésence du mal. Le terme de péché déstabiliserait la distinction philosophique entre mal physique, mal moral et mal métaphysique. Le mal est ainsi vu comme une entité globale omniprésente. C’est aussi bien la maladie, l’angoisse, la détresse que le crime ou le meurtre. Cette vue ne me semble pas être partagée par Bernanos qui aurait cependant suivi Jean Daniélou qui avait relevé de très grandes ressemblances formelles entre les états mystiques et les états de péché, mais en même temps l’opposition la plus totale qui, en les situant aux extrêmes, les rapprochent en tant qu’extrêmes.

L’expérience intérieure de Bataille est une expérience mystique, c’est une rencontre de l’individu avec le Tout, mais le Tout revoie au Vide, à l’absence de Dieu de sorte que cette expérience se vit littéralement comme une perte. L’individu ne découvre rien au fond de l’épreuve. Selon Bataille, l’extase va de l’être de la plénitude vers le non-être, le Vide. Ceci ne semble pas correspondre à la vision bernanosienne. Bernanos démontre la tragique grandeur de l’héroïsme qui ne saurait passer pour valeur absolue, car il implique l’orgueil prométhéen de réussir par lui-même. On pourrait dire que le trajet des protagonistes chez Bernanos estl’inverse de celui proposé par Bataille : non pas de l’être vers le néant, mais du Vide (personnel) vers la plénitude.39

Signalons enfin la parution récente de Bernanos romancier du surnaturel40 qui n’explore pas un aspect spécifique de l’œuvre de Bernanos, mais propose une vue d’ensemble de six romans de l’écrivain. Nous devons cet ouvrage à Monique Gosselin-Noat qui est une bernanosienne confirmée par ses nombreuses études.41 Elle a choisi six romans, laissant de côté Un Crime et Un mauvais rêve qui lui paraissent moins accomplis. Les autres romans peuvent, à ses yeux « sans nul doute toucher les cœurs des lecteurs français d’aujourd’hui par la nature de la fiction et l’esthétique qui en est inséparable. »42 L’auteure juge ses romans aussi à partir d’un horizon d’attente actuel. La dimension polémique dans les deux premiers romans lui paraît très située et les rendrait aujourd’hui plus difficiles d’accès ; elle atteste pourtant à Sous le soleil de Satan « beaucoup de force, une esthétique peu classique mais puissante, contrastée entre poésie et polémique ; une construction en oxymore [] »43. L’Imposture est décrit comme « un roman âpre, difficile, mais puissant avec de grandes beautés et quelques scories dues à l’excès de polémique. »44 Comme Marie Gil, l’auteure voit dans La Joie« une réécriture très incarnée de la Passion ».45 L’œuvre, distinguée par le Prix Femina, est « un roman moderne tout en étant mystique, un vrai roman du surnaturel ».46 La grande admiration, partagée par beaucoup d’interprètes, va au Journal d’un curé de campagne :

Ce roman, de facture classique, renouvelle la manière dont le surnaturel peut être dit et figuré. En dépit de l’époque révolue et du cadre archaïque, rien n’a vieilli dans ce texte audacieux en ce qu’il se heurte constamment aux limites des mots, à l’indicible et à l’ineffable.47

Nouvelle Histoire de Mouchette, « son récit le plus laïc », est aux yeux de l’interprète, « probablement le meilleur pour introduire à Bernanos des lecteurs étrangers au monde chrétien et à la culture biblique »48 Monsieur Ouine, commencé en 1931 et achevé seulement au Brésil, est, commeaffirme l’auteure, « en de nombreux points, un coup de génie mais reste difficile : il est une espèce de fable, un mythe du Mal avec une esthétique en creux. »49

On sent chez Monique Gosselin-Noat le grand souci d’une enseignante de longue date qui entend initier une jeunesse étudiante, peu familière de la culture chrétienne, à l’univers de Bernanos qui ne fait aucune concession à la mode. Elle relève aussi que cette œuvre a trouvé une audience auprès d’agnostiques comme Robert Bresson, Maurice Pialat et Pierre Cardinal qui ont mis des œuvres bernanosiennes à l’écran.

Ce qui se dessine en filigrane, c’est l’appartenance commune de ces romans à un type de récits spécifiques où la donnée théologique détermine la forme, comme l’affirme à juste titre Maud Schmitt, « c’est-à-dire dans lesquels le contenu religieux n’est pas, ou pas seulement, un thème, mais un fait de structure, un élément organisateur du récit. L’élargissement du champ à quoi invite la perspective intertextuelle permet alors de dégager une poétique du récit chrétien, comme genre narratif distinct. »50 Monique Gosselin-Noat croit voir esquisser un retour aux œuvres de fiction de Bernanos et non seulement à ses écrits de combat, « sans doute plus directement actuels et accessibles ».51

C’est justement en 2014 qu’on a pu constater l’actualité et la force des écrits de combat de Bernanos lorsque Lydie Salvaire a intercalé comme intertexte bernanosien dans son roman Pas pleurer52 des passages tirés de l’écrit de combat Les Grands Cimetières sous la lune (1938). « Deux voix entrelacées », de cette sorte présente la romancière son œuvre, « celle, révoltée, de Bernanos, témoin direct de la guerre civile espagnole, qui dénonce la terreur exercée par les nationaux avec la bénédiction de l’Église contre “les mauvais pauvres”./ Celle, roborative, de Montse, mère de la narratrice et “mauvaise pauvre”, qui, soixante-quinze ans après les événements, a tout gommé de sa mémoire, hormis les jours enchantés de l’insurrection libertaire par laquelle s’ouvrit la guerre de 36 dans certaines régions d’Espagne. »53 On s’étonne combien la voix de Bernanos s’accorde au témoignage d’une femme du peuple courageuse, prise dans l’atroce guerre civile dans un roman actuel. « Tout ce qui touche Bernanos (sa liberté d’esprit, sa droiture, son courage…) m’intéresse », m’écrivit Lydie Salvaire dans une lettre personnelle.54

L’intervention de Bernanos au sujet de la terreur franquiste a été en effet le témoignage de sa liberté d’esprit, de son honnêteté intellectuelle. Car sa sympathie allait d’abord à la Phalange– qui lui semblait animé par « un violent sentiment de justice sociale »55 – dans laquelle son fils s’était engagé activement. Hostile à l’ordre bourgeois et au libéralisme économique autant qu’à l’optimisme de la gauche et encore davantage au collectivisme, Bernanos restait un défenseur fervent de la liberté. « Anarchiste de droite » dira non sans raison Jacques Chabot. S’il s’était décidé de s’ériger contre le camp auquel allaient initialement ses sympathies, c’est qu’il voyait certaines valeurs qui lui étaient chères, compromises (« Il est dur de regarder s’avilir sous ses yeux ce qu’on est né pour aimer. »56 ). Son violent réquisitoire contre la terreur franquiste n’est pas seulement une intervention politique, mais se sert de moyens littéraires pour réveiller les consciences. Ce qui caractérise cet écrit de combat c’est la bipolarité entre les éléments spéculatifs et les éléments narratifs, ces derniers occupant une place prépondérante.57

Tous les écrits de combat de Bernanos sont disponibles dans les deux volumes de la Bibliothèque de la Pléiade qui ont paru en 1971 et 1995, le tome II ayant été réédité en 2014. En octobre 2015 a enfin paru la nouvelle édition des Œuvres romanesques suivies de Dialogues des Carmélites en deux volumes, édition attendue depuis longtemps.58 Une première édition dans la “Bibliothèque de la Pléiade” avait parue en 1961. Ce volume a étépréfacé par Gaëtan Picon (« Bernanos romancier »). Le texte et les variantes avaient été établis par Albert Béguin59, les notes et la biographie par Michel Estève. Dans ce volume avaient été reprises les éditions posthumes de Bernanos qui avaient été publiées par Albert Béguin entre 1949 et 1955. Depuis 1961, beaucoup de recherches ont portées sur l’œuvre de Bernanos et cette nouvelle édition en tient compte. Dans la première édition, les notes et variantes comportaient 135 pages, dans la nouvelle édition, elles font 368 pages. L’appareil critique a été ainsi substantiellement enrichi.

Ce fut une bonne idée que d’avoir confié la préface à un universitaire relativement jeune, par ailleurs responsable de l’édition des œuvres de Marguerite Duras dans la “Bibliothèque de la Pléiade” et spécialiste de la stylistique littéraire, Gilles Philippe. Il reconnaît d’emblée que l’œuvre de Bernanos est, dans une société post-catholique, moins lisible et nous parle différemment, mais pas moins fortement. L’interprète relève très finement la spécificité littéraire et stylistique de cet univers. À ses yeux, Journal d’un curé de campagne avec son ton plutôt serein et son attention à un monde concret et quotidien fait plutôt exception. Ce qui caractérise les autres romans, « drames violents devant des toiles peintes », c’est leur expressionnisme. L’écrivain n’hésite pas à désigner ses personnages au mépris pour permettre d’admirer d’autres. Il s’oppose à l’ironie qui ne prend pas au sérieux l’autre et préfère à l’ironie la véhémence. Ce qui nous fascine alors c’est « l’éblouissante expression de sa verve, l’étourdissante passion de son verbe ». L’univers de Bernanos récuse toute douceur et recourt à un expressionnisme très fort en évoquant la nuit, la pluie, la boue. Avec cette coloration véhémente Bernanos est, selon l’interprète, le romancier qui a refusé le plus clairement le dogme de la narration impersonnelle en esquissant un roman subjectiviste. Au fur et à mesure de la progression de son œuvre, il aurait réussi à réconcilier l’inconciliable : « le roman subjectiviste qui suit de plus près les délicats mouvements intimes, le roman expressionniste qui récuse la nuance ou l’exaspère jusqu’à la caricature ». Plus proche de Balzac que de Flaubert, l’écrivain crée des “types” et fait recourir des personnages par des prénoms identiques. L’idée centrale de la “communion des Saints”, ce « jeu de vases communicants entre les vies et les âmes », est pour Gilles Philippe aussi une étrange variante du principe de l’unanimisme qu’illustrait au même moment l’œuvre de Jules Romains, même si la différence reste notable.

Quant aux principes qui ont guidé la présente édition, il y a d’abord le plan strictement chronologique. Pour les œuvres parues du vivant de l’auteur, on s’est référé à la date de la première publication. Pour les œuvres posthumes, Un mauvais rêve et Dialogues des Carmélites, on s’est décidé pour la date de rédaction. Ce fut sans problème pour les Dialogues, écrits en 1947–1948 et édités en 1949 par Albert Béguin. Le roman inachevé Un mauvais rêve fut rédigé entre 1931 et 1935 et fut publié à titre posthume toujours par Albert Béguin en 1950. Les éditeurs l’ont placé après Un crime (1935) dont il procède, ce qui fut par ailleurs déjà le cas lors de la première édition de 1961.

Pour les ouvrages publiés du vivant de Bernanos, les éditions originales ont servi comme textes de référence, pour Monsieur Ouine la première édition parue en France (1946) et non pas celle parue en 1943 aux Éditions Atlantica à Rio de Janeiro. Les éditions originales ont été suivies jusqu’aux particularités typographiques. Monsieur Ouine avait paru à trois reprises en 1943, 1946 et 1947. Albert Béguin avait publié en 1955 une version en y ajoutant un important passage qui aurait été “perdu” dans les éditions antérieures. Dans l’édition actuelle, on s’en tient à celle de 1946, les arguments en faveur d’un ajout n’étant pas, selon Monique Gosselin-Noat, aussi évidentes. Dialogues des Carmélites a été écrit d’après une nouvelle de Gertrud von Le Fort (Die Letzte am Schafott) et un scénario de film de R.P. Bruckberger et Philippe Agostini. Le texte publié par Albert Béguin en 1949 se présentait comme une pièce de théâtre alors que Bernanos avait seulement rédigé les dialogues d’un film. Dans la présente édition, on a restitué la forme originale, tout en indiquant des interventions qui rendent le texte lisible. Pour Un mauvais rêve, on a également retenu la forme du dernier manuscrit de Bernanos, marquant ainsi son caractère inachevé. Lors de la rédaction d’ Un crime, l’éditeur Plon a obligé l’auteur de retrancher la iie et la iiie partie qui seront utilisées par l’écrivain pour le roman Un mauvais rêve. Cette troisième partie a été retrouvée récemment et elle a pu être insérée pour la version actuelle de cette œuvre posthume. Dans la rubrique “Archives”, on a publié la version d’ Un crime en trois parties qui a été récusée par Plon (ces “Archives” occupent plus de 90 pages du corps du texte). D’une manière générale, on a tâché de donner une édition historique de l’état original des œuvres, quitte à ajouter tous les éléments retranchés ou complémentaires en annexe.

On a ajouté à chaque roman dans le corps du texte (et non pas dans l’appareil critique) une section “En marge”. On y trouve pour chaque œuvre des documents qui éclairent la genèse et la réception, par exemple des passages non retenus dans le texte imprimé. On a inséré en plus des témoignages, des entretiens accordés par l’écrivain au moment de la parution de ses œuvres, mais aussi de nombreuses lettres à ses amis et ses éditeurs qui se rattachent à ses ouvrages (lettres qui étaient accessibles à travers les deux volumes de la Correspondance de Bernanos) et en plus des lettres adressées à l’écrivain comme celle d’Antonin Artaud après sa lecture de L’Imposture. Le lecteur peut ainsi saisir, outre les œuvres, tout le contexte de la genèse et de la réception (à l’exclusion de la réception par la critique littéraire de l’époque).

Dans la première édition de 1961, on trouvait dans l’appareil critique seulement des notes et des variantes alors qu’on est ici en présence de notices importantes au sujet de chaque œuvre rédigées par des spécialistes confirmées, mais aussi des notes sur le texte. Les textes des nouvelles de jeunesse ont été ainsi établis, présentés et annotés par André Not qui a également donné une bibliographie bernanosienne (succincte) à la fin du volume II.60 On doit à Pierre Gille la présentation, l’annotation et l’édition de Sous le soleil de Satan. Il a ainsi établi un tableau des corrections du texte imputables à l’influence de Maritain. Il avait déjà auparavant examiné les retouches du texte. L’effort vers l’ambiguïté caractérise, à ses yeux,

[…] toutes les retouches à implication théologique. L’antithèse de l’espérance et du désespoir subit le même sort. Tout se passe comme si, en dépit de ses propres tendances – ou de sa croyance intime – l’écrivain s’interdisait de nommer les choses, de leur donner leur statut théologique, bref de rassurer ce qui ne doit relever de la pure inquiétude.61

Michael Kohlhauer a été responsable de l’établissement du texte de L’Imposture (dont le manuscrit n’était pas accessible) ainsi que de l’annotation. Sur les épreuves corrigées, Bernanos avait gommé au sujet de son protagoniste imposteur tout ce qui pouvait rappeler trop explicitement le célèbre abbé Bremond, auteur d’une Histoire du sentiment religieux en France en trois tomes. On trouve dans la section “en marge” une lettre de l’éditeur à l’écrivain à ce sujet ainsi qu’un témoignage de Maurice Martin du Gard qui s’était entretenu avec l’écrivain à propos de “l’affaire Bremond”. On aurait pu ajouter d’autres documents relevant de cet incident, ainsi une lettre de Bremond même adressée à Elisabeth Blondel, en plus un démenti que Bernanos avait envoyé au directeur de l’hebdomadaire Le Charivari et enfin un entretien accordé par l’abbé Bremond à Frédéric Lefèvre dans Les Nouvelles littéraires du 1er juin 1929 dans lequel l’abbé revient à sa lecture de L’Imposture et de La Joie.62

La notice et les notes de La Joie sont confiées à Sarah Lacoste ; elle est très sensible à la dimension mystique du roman et à la confrontation avec la psychanalyse. Le langage dont ce livre nous donne la partition à travers les voies de connaissances de la mystique, de la psychanalyse, de la littérature, c’est selon l’interprète « ce langage du cœur, qui ne veut pas être un langage littéraire. C’est le paradoxe de toute son œuvre romanesque qui transparaît dans ce troisième opus: Bernanos écrit des romans sans vouloir faire de la littérature. » (1254–5). Elisabeth Lagadec-Sadoulet présente et annote Un crime. Ce roman policier “à énigme” inaugure selon elle, malgré les contraintes génériques, « l’expression littéraire d’un univers soudainement transformé en Question » (1277).

En commun avec Guillaume Louet, Sarah Lacoste a établi le texte du roman posthume Un mauvais rêve, ce qui n’était pas sans poser des problèmes. Car on est en présence de deux copies différentes du manuscrit ainsi que des Cahiers du travail de l’écrivain. À travers certaines contaminations, Albert Béguin avait donné dans une version qui est en soi « un chef-d’œuvre d’édition herméneutique », « une forme finie qu’il est rigoureusement impossible, en l’état de nos connaissances, de considérer comme assurée » (1037). Le texte de l’édition actuelle se fonde sur une seule copie (B) dans son intégralité ; les éléments écartés figurant dans la section “En marge”. Oscillant entre la vérité du rêve intérieur du créateur et les tourments que lui procurent les circonstances extérieures, ce roman inachevé a été, selon les deux interprètes, à la fois un tremplin et un prolongement pour les trois œuvres de fiction qui paraitront dans la suite (1032).

Le livre qui paraîtra dans la suite sera Journal d’un curé de campagne dont Bernanos écrira à son éditeur le croire « appelé à retentir dans beaucoup d’êtres » : « je n’ai d’ailleurs jamais fait, même de loin, un tel effort de dépouillement, de sincérité pour les atteindre. »63 Philippe Le Touzé a été responsable de l’édition et de la notice de ce beau texte pour lequel existent dix-neuf cahiers de brouillon ainsi la mise au net ; on a pu se référer à l’édition de 1936 à laquelle l’écrivain avait donné son bon à tirer. Philippe Le Touzé voit dans le roman la vie du curé se figurer par trois cercles concentriques : la conscience qu’il a de lui-même, ses relations avec autrui, le déchiffrement de l’Histoire contemporaine. À travers la forme du journal intime (fictif), l’écrivain tend à traduire le “décousu” de notre vie quotidienne. Dans le Journal, « se révèle, par étapes, la logique profonde, surnaturelle, des faits dispersés à la surface » ; dans la structure souple du journal intime, « la vision d’amour du curé recueillejusqu’aux infimes bribes de ce “décousu” dans une unité dont son dernier mot livrera le secret : “Tout est grâce” » (1072).64

C’est dans son exil aux Baléares que Bernanos rédigera la Nouvelle histoire de Mouchette qui a paru en 1937. Le texte de l’édition originale est repris ici. C’est Gilles Bernanos qui en présente le contexte historique et Jacques Chabot a rédigé la notice et les notes. Pour Jacques Chabot, cette nouvelle histoire procède du passé imaginaire et mythique des précédents romans de Bernanos, mais elle a en plus conféré aux événements tragiques de 1936 en Espagne auxquels Bernanos a assisté l’actualité nouvelle des grands mythes. Mouchette n’est pas seulement « pauvre comme les paysans majorquins, elle est pauvre comme Job » (1094). Le récit est concentré autour du chant de la protagoniste qui rappelle par la force de la poésie le pouvoir de la littérature et l’interprète rapproche le chant de Mouchette, « expression sublime de sa compassion », du « vieux rag-time » qu’entend Roquentin dans la Nausée de Sartre, écrit à peu près à la même époque, et qui y trouve « une rémission tout esthétique à son désespoir existentiel » (1112–3).

Dès 1931, Bernanos s’était voué à son ouvrage Monsieur Ouine. Terrassé par le labeur que lui donnait la lente gestation de son œuvre, il allait jusqu’à appeler celle-ci « fumier de Job », « un lugubre urinoir »65. Si ce nouveau roman causait à l’auteur tant de peine et lui coûtait tellement d’efforts, c’est parce que Bernanos cherchait à se renouveler. « Croyez-vous que le public, au fond », écrit-il à son éditeur, « ne comprenne pas ce silence ? Et même n’excuserait pas un échec dû à trop de hardiesse, à un trop grand désir de me renouveler ? »66 Bernanos terminera ce roman le plus ambitieux seulement au Brésil en 1940, après une longue gestation de neuf ans. Monique Gosselin-Noat qui est responsable de l’établissement du texte, de la notice et des notes y reconstruit d’une manière détaillée les étapes de la genèse laborieuse et discontinue de l’œuvre. Les manuscrits du roman sont également décrits en détail. Albert Béguin s’était fondé dans son édition de 1955 du manuscrit que Bernanos avait envoyé à son éditeur Plon au fur et à mesure de sa mise au net y incluant aussi cinq pages du début du dernier chapitre qui ne figuraient pas dans les éditions publiées du vivant de l’auteur. On ne peut qu’approuver l’éditrice de s’en tenir à la dernière version publiée du vivant de l’auteur, celle de 1946, identique à la reprise de 1947. Aux yeux de Monique Gosselin-Noat aussi, peu de romans français répondent autant que Monsieur Ouine aux tendances majeures de l’expressionnisme :

[…] un réalisme très appuyé qui donne au réel une dimension cruelle, ou oppressante, une déformation très subjective des perceptions et des sensations pour leur faireexprimer l’angoisse qu’elles recèlent, un monde en révolte, travaillé par des forces violentes, gros d’une apocalypse qui se dessine. (1130)

L’interprète met en plus en relief la dimension onirique du roman qui se manifeste dans sa structure : un récit troué de vertiges et de rêve créant le discontinu, des blancs dans la page et des points de suspension marquant des ellipses narratives ou signifiant le silence ou la rupture. Monsieur Ouine se révèle un roman très original au sein de l’œuvre bernanosienne et de la production romanesque de l’époque :

Bernanos s’y est mesuré à la représentation du Mal moderne sous toutes ses formes. Il n’en brosse pas une peinture abstraite, moins encore idéologique : il traduit une expérience forte en construisant des personnages qui incarnent, chacun à leur manière, les désastres qui se profilent. (1143)

Monique Gosselin-Noat est également responsable de l’édition et du commentaire de Dialogues des Carmélites. Son édition se fonde uniquement sur cahiers autographes de Bernanos, mettant en italique des éléments utiles à la compréhension dont on ne sait pas si Bernanos les a retenus ou non. En marge de cette œuvre, on publie également la nouvelle de Gertrud von Le Fort Die Letzte am Schafott dans une traduction française (due à Blaise Briod) ainsi que le scénario de film de R.P. Bruckberger et Philippe Agostini qui s’en inspire et dont se servait Albert Béguin pour “compléter” son édition du texte. À travers une poétique dramatique et une écriture limpide, Bernanos transfigure dans cette dernière œuvre, comme l’écrit Monique Gosselin-Noat, « le drame historique, lui confère un caractère “liturgique” et lui donne une tonalité de tragédie mystique. » L’écrivain se surpasserait ici en réussissant « à conjuguer la force implacable de la vérité avec une poétique de la douceur, déjà présente dans le Journal d’un curé de campagne » (1199).

Cette nouvelle édition des œuvres romanesques de Bernanos et des Dialogues des Carmélites a pu bénéficier des recherches sur l’œuvre de Bernanos depuis de longues années. Elle se fonde sur des principes d’édition stricts respectant toujours la dernière version autorisée par l’auteur et donnant des éléments supplémentaires seulement en annexe. Notamment pour les œuvres posthumes, mais aussi pour Monsieur Ouine, on dispose maintenant des versions historiques. De nouvelles recherches pourront désormais se fonder sur une base textuelle sûre. On apprécie en plus l’intégration de documents relevant de la genèse et de l’accueil des œuvres respectives (je préfère le terme d’accueil, celui de la réception faisant plutôt penser à la réception par la critique littéraire) ainsi que les notices éclairantes. Avec cette nouvelle édition, les conditions semblent ainsi réunies, peut-on lire dans une présentation,

[…] pour la redécouverte d’une œuvre qui, on ne dit pas assez, ou pas assez fort, occupe l’une des toutes premières places dans le paysage romanesque du xxe siècle.67


  1. Georges Bernanos, Essais et écrits de combat, tome I, Bibliothèque de la Pléiade 232 (Paris : Gallimard, 1971), 1041.

  2. Bernanos, Essais et écrits de combat, tome I, 1050.

  3. François Mauriac, « Les romans mystiques », in Les Nouvelles littéraires, 12 juin 1926, 1.

  4. Bernanos, Essais et écrits de combat, tome II, Bibliothèque de la Pléiade 423 (Paris : Gallimard, 1995), 866.

  5. Bernanos, Essais et écrits de combat, tome I, 1316.

  6. Bernanos, Essais et écrits de combat, tome I, 1316.

  7. Hans Urs von Balthasar, Le Chrétien Bernanos (Paris : Seuil, 1956) ; l’original allemand a paru sous le titre Bernanos (Cologne et Olten : Jakob Hegner, 1954).

  8. Brian T. Fitch, Dimensions et structures chez Bernanos (Paris : Lettres Modernes Minard, 1969).

  9. Gide, à qui Malraux disait son admiration pour Sous le soleil de Satan, lui répondit :

    « Tout cela, cher, c’est la lignée de Léon Bloy et de Barbey d’Aurevilly.

    – En diablement mieux !

    – Mais c’est la même chose. Et cette chose m’est contraire. » André Malraux, « Préface », in : Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne (Paris : Plon, 1974), 9.

  10. Éric Benoît, Bernanos, littérature et théologie (Paris : Les Éditions du Cerf, 2013).

  11. Bernanos, Essais et écrits de combat, tome I, 1047.

  12. Bernanos semble avoir atteint par des moyens littéraires une évidence esthétique du surnaturel qui s’impose, selon Malraux également à l’agnostique : Bernanos « n’attend point de l’ambition la complicité de ses jeunes lecteurs ; de l’amour, celle de ces lectrices. Comme Dostoïevski, il ne dispose que de la complicité la plus haute. Il révèle aux hommes le Christ qu’ils portent en eux, dirait-il : parce qu’il y est. Reste qu’il y est aussi pour un agnostique. » Malraux, « Préface », 15–6. Voir aussi la présentation de la nouvelle édition des œuvres romanesques de Bernanos dans la “Bibliothèque de la Pléiade” : « [] nul besoin de partager la foi de l’auteur pour être sensible au tragique du monde déchu qu’habitent ses personnages. Sans doute sommes-nous parfois devenus aveugles à des allusions scripturaires qui étaient naguère évidentes. Mais à cet aveuglement partiel les romans de Bernanos gagnent une imprévisibilité, une étrangeté qui conduisent, une fois encore, du côté de Dostoïevski. L’œuvre nous parle différemment, mais toujours aussi fortement. » La lettre de la Pléiade, 58, septembre/novembre 2015, 13.

  13. Benoît, Bernanos, littérature et théologie, 7.

  14. Georges Bernanos, Œuvres romanesques suivies de Dialogues des Carmélites, Bibliothèque de la Pléiade 155 (Paris : Gallimard, 1961), 1159.

  15. Bernanos, Œuvres romanesques suivies de Dialogues des Carmélites, 1613. Les interprètes notamment catholiques n’étaient, à l’époque, guère sensibles à cette conception solidaire dusalut. Ils ont critiqué lors de la réception de Sous le Soleil de Satan l’apparente indépendance de “L’histoire de Mouchette” par rapport aux deux parties principales du roman qu’ils désapprouvaient au nom du postulat de l’unité de l’intrigue. Ce critère ne permettait pas de déceler les liens structurellement nécessaires entre le Prologue et le corps du roman ; les rapports entre Mouchette et Donissan n’occupent, il est vrai, au niveau de l’intrigue que peu de place. Mais le drame du salut n’implique pas la présence physique des protagonistes ; il se joue au-delà des apparences. » Voir Joseph Jurt, « Sous le soleil de Satan. La réception critique », in Roman 20–50: revue d’étude du roman du xxe siècle 4 (décembre 2008) : 45–55.

  16. Maud Schmitt, « Bernanos ou la “Parole incarnée” », in Acta fabula 15, n° 11 (janvier 2014), consulté le 3 février 2016, http://fabula.org/acta/document8335.php.

  17. Georges Bernanos, Correspondance, tome II, 1934–48, Combat pour la liberté (Paris : Plon, 1971) 401.

  18. Bernanos, Essais et écrits de combat, tome II, 1062.

  19. Schmitt, « Bernanos ou la “Parole incarnée” ».

  20. On peut relever un constat similaire dans l’étude de Danielle Perrot-Corpet, Ecrire devant l’absolu: Georges Bernanos et Miguel de Unamuno (Paris : Honoré Champion, 2005). Voir le compte rendu de Christophe Annnoussamy : « Alors que – dans un acte de foi –, Bernanos reconnaît l’incapacité de la langue humaine à toucher l’Être – et propose dans ses œuvres un simple témoignage de l’existence sur le mode métaphorique, Unamuno valorise la conscience linguistique – comme seul lieu de la réalité humaine –, en la cristallisant dans un réseau de symboles. Chez les deux écrivains, cependant, la fiction s’accompagne d’une vocation éthique qui appelle à « réveiller l’âme du lecteur, assoupi dans l’illusion. » Christophe Annnoussamy, « L’Absolu à l’épreuve de la modernité », in Acta fabula 6, n° 1 (printemps 2005), consulté le 3 février 2016, http://fabula.org/acta/document885.php.

  21. Benoît, Bernanos, littérature et théologie, 112.

  22. Malraux, « Préface », 9–10.

  23. André Malraux, « L’Imposture de Georges Bernanos », N.R.F. XXX, 174, (1er mars 1928) : 406–7.

  24. Gaétan Picon, Malraux par lui-même (Paris : Seuil, 1953), 66.

  25. Malraux, « Préface », 22 ; voir à ce sujet aussi Joseph Jurt, « Malraux et Bernanos », in André Malraux 3 : “influences et affinités”, La Revue des Lettres Modernes (Paris : Lettres Modernes Minard, 1975), 7–30 et Jurt, « Le roman moderne, un moyen d’expression privilégié du tragique de l’homme : Malraux, Bernanos » (à paraître en 2016 dans Raison présente).

  26. Schmitt, « Bernanos ou la “Parole incarnée” ».

  27. Marie Gil n’est pas une bernanosienne “exclusive”; elle a publié en plus de nombreux articles sur d’autres auteurs comme Claudel, Deleuze, Foucault, Houellebecq, Mauriac, Péguy et Proust. On lui doit surtout une grande monographie sur Barthes : Roland Barthes. Au lieu de la vie (Paris : Flammarion, 2012).

  28. Marie Gil, Les deux écritures : étude sur Bernanos (Paris : Éditions du Cerf, 2008).

  29. Gil, Les deux écritures, page de quatrième.

  30. Benoît, Bernanos, littérature et théologie, 104.

  31. Cité dans Bernanos, Œuvres romanesquessuivies de Dialogues des Carmélites, 1763.

  32. Voir à ce sujet Joseph Jurt, La réception de la littérature par la critique journalistique : Lectures de Bernanos 1926–1936 (Paris : Editions Jean-Michel Place, 1980), 91–7.

  33. Thèse de doctorat en Littérature comparée soutenue à la Sorbonne, Paris 4.

  34. Bernanos, Essais et écrits de combat, tome I, 788. Voir aussi Exil, errance et marginalité dans l’œuvre de Georges Bernanos. Sous la direction de Max Milner (Paris : Presses Sorbonne Nouvelle, 2004).

  35. Sarah Lacoste, Ce que la littérature doit au mal : Une étude stylistique du mal chez Bataille et Bernanos (Paris, Éditions Kimé, 2014).

  36. Voir Joseph Jurt, « Une parole prophétique dans le champ littéraire », in Europe 73, 789–90 (janvier–février 1995) : 319–47.

  37. Georges Bataille, Discussion sur le péché (Paris : Nouvelles Éditions Lignes, 2010).

  38. Cité dans Bataille, Discussion sur le péché, 95.

  39. Au sujet du livre de Sarah Lacoste voir aussi le compte rendu de Caroline Gondaud, « Existe-t-il une langue du mal ? », in Acta Fabula 16, 3 (mars 2015), consulté le 3 février 2016, http://fabula.org/lodel/acta/index.php?id=2908&utm.

  40. Monique Gosselin-Noat, Bernanos romancier du surnaturel (Paris : Pierre-Guillaume de Roux, 2015).

  41. Signalons d’abord sa thèse L’Écriture du surnaturel dans l’œuvre romanesque de Georges Bernanos, 2 vol. (Paris : Champion 1979) ; ensuite les actes de colloque qu’elle a édités : Bernanos et le monde moderne (avec Max Milner, Villeneuve-d’Asc : Presses universitaires de Lille, 1989) ; Bernanos et le Brésil (Villeneuve-d’Asc : Presses universitaires du Septentrion, 2007) et son livre Bernanos militant de l’éternel (Paris : Michalon, 2007).

  42. Gosselin-Noat, Bernanos romancier du surnaturel, 13.

  43. Gosselin-Noat, Bernanos romancier du surnaturel, 55.

  44. Gosselin-Noat, Bernanos romancier du surnaturel, 83.

  45. Gosselin-Noat, Bernanos romancier du surnaturel, 121.

  46. Gosselin-Noat, Bernanos romancier du surnaturel, 137.

  47. Gosselin-Noat, Bernanos romancier du surnaturel, 197.

  48. Gosselin-Noat, Bernanos romancier du surnaturel, 220.

  49. Gosselin-Noat, Bernanos romancier du surnaturel, 254.

  50. Schmitt, « Bernanos ou la “Parole incarnée” ».

  51. Gosselin-Noat, Bernanos romancier du surnaturel, 261.

  52. Lydie Salvaire, Pas pleurer (Paris : Seuil, 2014).

  53. Lydie Salvaire, Pas pleurer (Paris : Seuil, 2014), page de quatrième.

  54. Lydie Salvaire, Lettre personnelle du 22 décembre 2014.

  55. Bernanos, Essais et écrits de combat, tome I, 409.

  56. Bernanos, Essais et écrits de combat, tome I, 437.

  57. Renvoyons dans ce contexte à l’excellente étude de Denis Guenoun, « Les fonctions narratives dans Les Grands Cimetières sous la lune », in Bernanos, Centre culturel de Cerisy-la-Salle 10 au 19 juillet 1969 (Paris : Plon, 1972), 441–53 : «La pensée de Bernanos, même à son degré de plus grande abstraction, procède par des mécanismes de récit » (450) ; voir aussi Elie Maakaroun : « Les Grands Cimetières sous la lune apparaissent donc comme une tragédie, avec ses personnages, son espace, son temps, son action, son atmosphère, sa transcendance, et sa théâtralité. Le pathétique y joint la colère indignée à la pitié-solidarité, le désespoir à l’espérance, la mort à la vie. » Elie Maakaroun, « Du tragique à la tragédie », in Études bernanosiennes 13 : “Le Spirituel et le temporel – « Les Grands cimetières sous la lune »”, La Revue des Lettres Modernes (Paris : Lettres Modernes Minard, 1975), 72 ; voir en plus Joseph Jurt, « Témoignage et terreur : Bernanos, Malraux et la guerre civile d’Espagne », in : Max Aub – André Malraux : guerra civil, exilio y literatura. Guerre civile, exil et littérature, dirigé par Ottmar Ette, Mercedes Figueras, Joseph Jurt (Madrid/Francfort : Vervuert, 2005), 33–48. Magdalena Padilla García dans son ouvrage Autobiografía y ensayo en Georges Bernanos : una lectura de “Los grandes cementerios bajo la luna” (Universidad Católica San Antonio : Murcia, 2008), insère l’écrit de combat de Bernanos dans le cadre d’une écriture autobiographique et elle semble un peu trop minimiser le récit de la guerre civile. Voir aussi le compte rendu de Denis Vigneron : « Aujourd’hui, soixante-dix ans après la fin de la guerre civile, la réconciliation reste encore un vain mot pour une partie de la population [] Cela ne rend que plus actuelle la lecture des Grands Cimetières sous la lune, livre dans lequel Georges Bernanos écrivait : “Après une guerre civile, la vraie pacification commence toujours par les cimetières, il faut toujours commencer par pacifier les cimetières.” C’est là, dans les cimetières d’aujourd’hui, que les Espagnols ont à mener un combat qui apaisera les passions et les guidera sur le chemin d’une réconciliation durable. » Denis Vigneron, « Les Grands Cimetières sous la lune de Georges Bernanos : témoignage d’un homme libre ou imposture ? », in Acta Fabula 10, n° 7 (août-septembre 2009), consulté le 7 février 2016, http://www.fabula.org/revue/document5145.php.

  58. Œuvres romanesques complètes, tome 1, préface de Gilles Philippe, chronologie par Gilles Bernanos, édition établie par Pierre Gille, Michael Kohlhauer, Sarah Lacoste, Elisabeth Lagadec-Sadoulet, Guillaume Louet et André Not, Bibliothèque de la Pléiade 155 (Paris : Gallimard, 2015) ; Œuvres romanesques complètes, tome 2, Dialogue des carmélites, chronologie par Gilles Bernanos, édition établie par Jacques Chabot, Monique Gosselin-Noat, Sarah Lacoste, Philippe Le Touzé, Guillaume Louet et Andre Not, Bibliothèque de la Pléiade 606 (Paris : Gallimard, 2015).

  59. Voir aussi Pierre Grotzer, « Albert Béguin lecteur, éditeur et exégète de Bernanos », in Bernanos et le monde moderne, dirigé par Monique Gosselin et Max Milner (Villeneuve-d’Asc : Presses universitaires de Lille, 1989), 259–67.

  60. L’ouvrage de Marie Gil n’y est pas mentionné. Le nom de famille de Hans Urs von Balthasar est Balthasar et non pas Urs von Balthasar.

  61. Au sujet du manuscrit de Sous le soleil de Satan conservé à la Fondation Bodmer et les modifications dans le texte imprimé voir René Guise et Pierre Gille, “Sous le soleil de Satan”: sur un manuscrit de Bernanos (Nancy : Annales de l’Est publiées par l’université de Nancy II, 1973), cité ici 65.

  62. Pour ces documents supplémentaires voir Joseph Jurt, « Bernanos et Bremond », in Études bernanosiennes 15 : “« Les Ténèbres » – structure et personnages”, La Revue des Lettres Modernes (Paris : Lettres Modernes Minard, 1974), 124–30.

  63. Bernanos, Correspondance,tome II, 111.

  64. Parmi les documents au sujet de la genèse du roman, on pourrait encore indiquer l’entretien que Bernanos a accordé en 1935 à André Chastain : « Déclaration de Georges Bernanos », in Comoedia 17 (octobre 1935).

  65. Georges Bernanos, Correspondance, tome I, 1904–34, Combat pour la vérité (Paris : Plon, 1971) 472, 531.

  66. Bernanos, Correspondance, tome II, 60.

  67. « Éditer Bernanos aujourd’hui », La lettre de la Pléiade 58 (septembre/novembre 2015) : 11.





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