La Réforme et la réforme poétique : les Octonaires sur la vanité et inconstance du monde
Marina Hertrampf
Préliminaires
Antoine de La Roche de Chandieu fut le propagateur le plus important du protestantisme en France. Cependant, il tomba presque dans l’oubli après sa mort. Parmi les poètes protestants du XVIe siècle, il est souvent négligé ; même s’il est un des rares exemples d’auteurs qui dédia toute sa vie littéraire à la diffusion de l’esprit protestant et connut un succès extraordinaire auprès de ses contemporains.
Dans notre contribution, nous voulons éclairer le chef-d’œuvre de ce poète méconnu en trois parties. La première partie sera consacrée à la vie de Chandieu. Dans ce contexte, il nous semble important d’illustrer le rôle fondamental que joua Chandieu pendant les conflits de confession et d’éclairer sa rébellion contre Ronsard. Nous nous attacherons aussi à présenter les spécificités esthétiques de sa poésie en tant que poésie protestante. Sujet que nous approfondirons dans la deuxième partie où nous nous pencherons sur l’analyse de l’ouvrage Octonaires sur la vanité et inconstance du monde, recueil de cinquante courts poèmes de huit vers chacun. Nous expliquerons les spécificités poétiques et stylistiques du genre de l’octonaire comme exemple pertinent d’une réforme poétique calvinienne et démontrons qu’il s’agit d’un genre qui, par définition, est un produit de la poétique calvinienne. Tandis que, dans cette partie, nous étudierons des références à la Bible et aux œuvres de Calvin, la troisième partie de notre contribution sera consacrée à l’analyse des relations intermédiales. À préciser, nous étudierons les relations entre les octonaires et leur illustration emblématique par Étienne Delaune et celles entre les poèmes de Chandieu et leur adaptation musicale par Pascal de L’Estocart.
Antoine de La Roche de Chandieu : propagateur du protestantisme et poète protestant
Gentilhomme bourguignon, Antoine de La Roche de Chandieu naquit vers 1534 dans le Mâconnais. Il fit des études de droit à Toulouse, rencontre Calvin et se convertit assez tôt dans sa vie à la religion protestante. À 22 ans, il reçoit la charge de pasteur à Paris. Quand éclatent les guerres de religion, il s’enfuit à Orléans, où il préside un synode protestant et organise la communauté naissante. Il est aussi chargé d’établir et d’institutionnaliser une église protestante française, séparée et indépendante de l’église protestante de Genève.1 En 1568, il se réfugie à Genève, puis se fixe à Lausanne où il donne un cours de théologie polémiquant contre les jésuites et les luthériens. Dans ses sermons, il défend un calvinisme classique (« scolastique réformée ») en mettant l’accent sur l’austérité, les vertus militaires et l’esprit d’économie. La paix, signée à Saint-Germain en 1570, met fin à l’exil de Chandieu qui quitte Lausanne pour devenir délégué du Lyonnais et de la Bourgogne. En 1572, après la Saint-Barthélemy, il reprend le chemin de l’exil : de 1572 à 1583 il s’installe de nouveau à Lausanne. Il est rappelé en France par Henri IV et officie comme maître de camp à la bataille de Coutras en 1587. Le roi l’envoie en mission auprès des cantons protestants de la Suisse (1588), ce qui l’amène à revenir à Genève et à participer à la guerre contre la Savoie (1589). Il rejoint alors la bourgeoisie de Genève où il meurt le 23 février 1591.2
La vie de Chandieu fut très mouvementée : Il s’engagea totalement pour défendre la cause des huguenots ; mais, son engagement en faveur du protestantisme ne se limite pas seulement au plan politique ; la lutte pour le protestantisme se manifeste aussi dans ses activités littéraires qui très souvent prennent une allure fortement polémique.3 La lutte confessionnelle en littérature atteint son apogée en 1562 quand Ronsard, du camp catholique, prend la plume pour déplorer les conséquences calamiteuses des guerres religieuses, défendre la politique royale et dénoncer les protestants. Dans ses Discours des misères de ce temps il décrit la Réforme comme le responsable monstrueux de l’état désastreux de la France :4
Ce monstre arme le fils contre son propre père,
Et le frere (ô malheur) arme contre son frere,
La sœur contre leurs cousins veullent tremper leurs mains.
L’oncle fuit son nepveu, le serviteur son maistre,
La femme ne veut plus son mary recongnoistre.
Les enfants sans raison disputent de la foy,
Et tout à l’abandon va sans ordre et sans loy.
[…]
Morte est l’autorité : chacun vit à sa guise.
Au vice desreiglé la licence est permise,
Le desir, l’avarice et l’erreur incensé
Ont san-dessus-desoubs le monde renversé.
L’œuvre ronsardien suscite une violente controverse.5 Les pamphlets foisonnent et Chandieu, à son tour, s’en prend à Ronsard et écrit d’abord les Palinodies de Pierre de Ronsard, sur les discours des misères de ce temps et puis, plus tard dans l’année 1563, une Response aux calomnies contenues aux Discours de Pierre de Ronsard. La même année, Chandieu publie son Histoire des persécutions et martyrs de l’Eglise de Paris depuis l’an 1557 jusqu’au temps du roi Charles IX où il relate les violences contre les huguenots et dont le but essentiel est de fortifier la confiance en Dieu des réformés, de lutter contre le nicodémisme et d’encourager ceux qui désespèrent. En même temps, ce traité souligne que « [l]e peuple huguenot partage la culture de la souffrance chrétienne. S’enracinant aux origines de l’Eglise primitive, il retrouve la vocation de mort pour la foi. Mais plus encore, il traverse cette religiosité spécifique des renouveaux mystiques du XVIe siècle, où la possession de Dieu se passe des médiateurs cléricaux et royaux, pour vivre dans la passion de Christ. »6 Fait curieux : pendant que les œuvres des auteurs catholiques de l’époque qui s’adonnent au pétrarquisme, les auteurs protestants, Chandieu en avant, s’abandonnent à un retour aux sources de la foi et leurs œuvres sont très souvent marquées par la littérature mystique très catholique au fond.
Chandieu est peut-être avant tout un poète. C’est en vers qu’il exprime de façon magnifique sa foi, sa souffrance et celle des Églises de France. Parmi ses œuvres poétiques, les Octonaires sur la vanité et inconstance du monde sont sans aucun doute ses meilleurs poèmes. Barker, spécialiste de l’auteur, conclut : « In many ways the Octonires are Chandieu’s masterpieces. They are the apogee of his poetry, and they consolidate the themes he had explored over the preceding years […] »7.
Les Octonaires sur la vanité et inconstance du monde : forme et analyse
Pour débuter, quelques mots sur la genèse des cinquante Octonaires sur la vanité et inconstance du monde. Avant la première édition intégrale de 1583, il y eut probablement plusieurs versions manuscrites des poèmes comme par exemple le manuscrit du chirurgien protestant Rasse des Noeux datant de 1576 qui d’ailleurs ne contient que 19 octonaires.8 En raison de la persécution des protestants, la diffusion des textes religieux par circulation manuscrite et clandestine fut une pratique protestante très répandue au XVIe siècle.9 C’est dans une édition sortie des presses strasbourgeoises de Bernard Jobin en 1580 que nous retrouvons pour la première fois en version imprimée 20 octonaires qui sont sans aucun doute issus de la plume de Chandieu, même si ce livre d’emblèmes nomme seulement l’auteur des estampes, Étienne Delaune.10 Le Premier livre des octonaires mise en musique par Paschal L’Estocart, qui fut publié en 1582 et contient 26 octonaires de Chandieu, est la première édition imprimée qui indique Chandieu comme auteur.11 Un an plus tard, la première édition intégrale sortit des presses de Guillaume Laimarie. L’auteur est un certain A. Zamariel, c’est-à-dire personne d’autre que Chandieu. Afin de se protéger, Chandieu utilisa plusieurs pseudonymes pour signer ses écrits parmi lesquels Zamariel, la traduction hébreu de « chant de Dieu », et Sadeel, « champ de Dieu » en hébreu, sont les plus connus.12
Avec ses octonaires, Chandieu rencontra un succès extraordinaire auprès de ses contemporains, ce qui explique que les les cinquante octonaires trouvèrent place dans un certain nombre de recueils poétiques du vivant de l’auteur comme dans les éditions successives des Cantiques de Maisonfleur en 1586 et en 1587. « Even more telling », ajoute Barker, est le fait que « the Octonaires appeared in three different formats that showcase the versatility of Chandieu’s verse, and the versatility of the printing industry. »13 De plus, Chandieu ne resta pas le seul auteur des octonaires : le genre fut abondamment imité par ses contemporains, en particulier par Simon Goulart, Joseph du Chesne et Jean de Sponde. Le prestige dont jouissaient les octonaires fut tellement éclatant qu’en 1591 – conformément à l’esprit humaniste – Jean Jacquemot traduisit les Octonaires sur la vanité et inconstance du monde en latin.14
Nous parlons tout le temps des octonaires, mais qu’est-ce qu’un octonaire ? Un octonaire est une unité poétique composée de huit vers – donc rien d’autre que ce que d’habitude l’on appelle un huitain, forme appréciée au XVIe siècle (par exemple par Clément Marot). Pourquoi Chandieu utilisa-t-il le mot « octonaire » ? Tout d’abord, il faut souligner que ce n’est pas Chandieu qui a forgé ce terme. En l’utilisant il se réfère à Calvin qui appelait le Psaume 119 « Psaume octonaire » parce qu’il est divisé en vingt-deux strophes (classées selon l’alphabet hébraïque) comprenant chacune huit vers.15 Tandis que Calvin réserve le terme d’octonaire pour parler du Psaume lui-même et appelle les strophes huitains, Chandieu abandonne la différence terminologique entre les strophes et l’ensemble des parties.16 En faisant ainsi, Chandieu – comme Mauger (1999) l’a décelé – fit une référence directe à une des premières traductions du Psaume 119 en langue française : en 1549 le prêtre catholique Jean Poitevin publia les Vingt et Deux Octonaires du Psalme cent dixneuf, œuvre qui – étroitement rattachée à l’élaboration de Marot et de Bèze des Psautiers en langue vernaculaire – fut bien ancrée « dans l’univers protestant plusieurs décennies avant que Chandieu ne consacre et n’actualise le substantif en publiant ses propres poèmes […] ».17 Même s’il y a une correspondance essentielle entre l’exégèse biblique calvinienne et la traduction du Psaume 119 par Poitevin, Chandieu est le premier à employer le terme d’octonaire pour désigner ses propres poèmes spirituels. Poèmes dont les intertextes offrent d’ailleurs « une double résonance très marquée, biblique et calviniste, en renvoyant directement au Psautier, instrument si essentiel dans la pratique religieuse des protestants. »18
Comme dans le Psaume de « La Parole de Dieu », chaque partie des Octonaires sur la vanité et inconstance du monde forme une entité autonome et peut être lue comme poème indépendant et est à la fois une strophe d’un tout, d’un long poème de cinquante strophes. Cependant, certains octonaires sont plus reliés l’un à l’autre que d’autres par leurs isotopies et forment un groupe. C’est par exemple le cas des octonaires VIII, IX, X et XI qui traitent du cycle des saisons. À ce point, il convient de préciser que la mise en ordre des octonaires diffère selon l’édition. En fait, il y a deux configurations opposées suivant deux poétiques concurrentes : L’édition de 1580 offre la singularité exceptionnelle d’un classement alphabétique. Le cadre alphabétique approche les Octonaires sur la vanité et inconstance du monde du Psaume 119. L’arrangement alphabétique représente un contrepoint aux octonaires qui, par leur poétique mimétique, sont dominés par le désordre mondain et ses illusions. Dans ce sens, le plan alphabétique reflète le fait que le poète-pasteur perçoit l’ordre divin derrière la confusion des apparences et garantit l’émergence du sens qui surgit de la confusion des apparences si le « mondain » apprend sa leçon.19 Toutes les éditions ultérieures ne réalisent plus ce système de numérotation et il faut noter que l’arrangement des octonaires varie beaucoup. Ici, l’édifice poétique – ainsi que les octonaires eux-mêmes – est construit sur une poétique de la variation qui illustre le manque de stabilité et représente le changement incessant de l’univers.
Le choix de la forme de l’octonaire donna une grande liberté à Chandieu en ce qui concerne le ton, le mètre et les rimes. Certains octonaires sont de caractère descriptif, d’autres plutôt exhortatifs. Tantôt le ton est discursif, tantôt il est sentencieux, tantôt même agressif. La diversité dans la structure métrique est énorme (ce qui éloigne décidément les octonaires de l’ode et du cantique religieux) : 24 octonaires sont écrits en alexandrins, 12 en décasyllabes, 3 en octosyllabes, 8 en heptasyllabes et trois poèmes sont hétérométriques. Les variations du mètre et de la versification ne sont d’ailleurs pas arbitraires. Comme Chandieu nous explique dans un octonaire méta-réflexif toutes les diversités et variations ne représentent que des cooccurrences reflétant l’inconstance du monde et les vicissitudes de la vie, sujets centraux de l’œuvre. Voici l’octonaire XLIX :20
Change et rechange, ô poète, et accorde
Ores sur l’une, ores sur l’autre chorde
Le different d’une mesme chanson,
Une en sujet, differente en façon :
Representant par ta varieté
Le changement du Monde perissable ;
Or le Monde est encor plus variable,
Et ton suject a ton vers surmonté.
La technique de la cooccurrence entre hétérométrie et contenu se voit particulièrement bien dans l’octonaire V :21
Vous, Fleuves et Ruisseaux, et vous, claires Fontaines,
De qui le glissant pas
Se roule roule en bas
Dites-moi la raison de vos tant longues peines.
C’est pour monster au doigt que ta vie en ce Monde
S’enfuit ainsi que l’onde,
Et ta felicité
Ne s’arreste icy-bas où rien n’est arresté.
Ici «[l’] alternance d’hexasyllabes et d’alexandrins crée une accélération du rythme qui rend [aussi] bien le mouvement ininterrompu de l’eau vers la vallée »22 que les enjambements et la répétition de « roule ».
Comme le titre de l’œuvre l’indique et comme on a vu dans les exemples donnés, les sujets principaux des octonaires sont la folie et la vanité humaines qui sont dénoncées, ainsi que la fugacité de la vie et le salut de l’homme qui réside en la foi. En utilisant ces thèmes qui – pendant des années profondément troublées par les guerres de religion – étaient devenus de véritables lieux communs, Chandieu s’inscrit dans une longue tradition moralisante et méditative. Les thèmes de la fragilité de l’homme, le caractère transitoire du tout et la vanité du monde reviennent constamment dans la méditation biblique, c’est pourquoi la Bible fut un important point de référence et un inépuisable répertoire d’images et de motifs.23 La poétique du memento mori de Chandieu montre une nette prédilection pour des métaphores et des comparaisons empruntées à la nature et aptes à suggérer le caractère éphémère du monde, comme l’illustre très bien l’octonaire XXVIII, qui se termine ainsi (v.7–8) :24
Qu’est-ce doncques que le Monde ?
Un vent, une fleur, une onde.
Nous y retrouvons une image typiquement baroque. Mais la poésie protestante de Chandieu est-elle vraiment baroque ? Résumons avec Pineaux certains caractères de la poésie de Chandieu : C’est « une poésie qui, dans le monde fluctuant, vain et transitoire des choses, reconnaît l’image exacte du monde des hommes ; une poésie qui cherche le visage derrière le masque et qui découvre sous l’apparence de la vie la réalité de la mort ; une poésie de la nuit et de la clarté … ».25 Nous sommes donc tout à fait dans le discours baroque, mais « [l]e baroquisme n’était pour [les poètes réformés ; M.H.] une fin mais une étape dans la connaissance de Dieu. Seule l’absence de Dieu condamne l’homme à la vanité et la mort : loin de se complaire ou de s’attarder dans l’illusion, les poètes protestants ne décrivirent et ne jugèrent le train du monde qu’à partir du moment où, saisis par la grâce de Dieu, ils avaient trouvé et montraient ailleurs la Vérité et la Vie. »26
Le poète est donc fortement fondé sur la parole de Dieu. L’importance référentielle du Psaume 119, dont nous avons déjà parlé plus haut, se révèle aussi dans des objectifs visés par les octonaires : Tout en louant Dieu, le psalmiste chante le bon chemin de l’homme croyant en Dieu et suivant toutes les lois divines et condamne tous les infidèles qui négligent Dieu. Les éléments sapientiaux et didactiques montrent le dessein pédagogique du Psaume qui a spécialement pour but d’instruire. Avec ses poèmes, le poète-prêcheur s’attache au même but : Il veut mettre le lecteur sur le bon chemin menant vers la vraie « felicité » (Oct. V, v.7) et « Le repos arresté d’une vie meilleure » (Oct. II, v.8) qui « […] est en un plus haut lieu | Que la Terre, que l’Eau, que l’Air, que le Feu. » (Oct. III, v.7–8). Entièrement dans son rôle de bon pasteur calvinien et de ministre de la parole de Dieu, Chandieu apparaît comme le père de la morale qui engage ses lecteurs à suivre ses conseils avec un didactisme austère et menaçant (Oct. VII, v.5–8) :27
C’est quand ne voulant estre instruict,
Mondain, tu redoubles ta nuict,
Et d’un aveuglement extreme,
Tu estains ton flambeau toimesme.
Alors, Chandieu tente d’ouvrir les yeux au « mondain » – une sorte de Monsieur Tout-le-monde hautain et pécheur qui est aveugle à la vérité divine et se laisse guider par l’Ambition, la Volupté et l’Avarice. Le poète-prêcheur cherche à le faire s’éclairer par l’Esprit de Dieu – selon la théologie calvinienne le seul moyen du salut. Dans ce contexte, il est intéressant de remarquer les références à la métaphore de lumière issue de l’Ancien Testament, des Proverbes et des Psaumes : Dans cette vision antithétique les méchants, les insensés et les ignorants sont aveugles et se retrouvent perdus dans les ténèbres. Ceux qui sont justes, sages et fidèles, par contre, sont clairvoyants et vivent dans la lumière ; lumière répandue par le flambeau divin, métaphore de la parole de Dieu : « Ta parole est une lampe à mes pieds et une lumière sur mon sentier. », chante le psalmiste dans le Psaume 119, v.105.
Or, le but primordial de la démarche du poète des Octonaires sur la vanité et inconstance du monde est de faire prendre conscience à l’homme de sa condition misérable et corrompue ce qui – dans la conception calvinienne du salut – représente le point de départ pour la rédemption de l’homme. Pour obtenir cet objectif missionnaire, le ministre fait résonner la voix de prédicateur et invite le lecteur à renoncer à toutes les vaines apparences et l’exhorte à se convertir à Dieu. D’où des poèmes fortement exhortatifs comme par exemple l’octonaire XIII :28
Mondain, qui vis et meurs au Monde perissable,
Miserable est ta vie, et ta mort miserable.
Car ta vie te tue et te tient attaché
Des liens de la mort, salaire du peché ;
Et du mourant pecheur la mort est immortelle,
D’autant plus perissant, qu’il perit sans perir.
Ainsi vivant mourant, Mondain, ta peine est telle,
Que ta vie est sans vivre, et ta mort, sans mourir.
Apostrophé comme âme perdu (« mondain »), le poète-prêcheur lance des avertissements drastiques au destinataire pour le faire réfléchir sur son propre comportement et lui faire comprendre sa détresse afin de le convaincre de la toute-puissance divine. L’effet appellatif – voire agressif – est produit par les allitérations en /t/ qui « rendent le rythme percutant ».29 En combinaison avec « la répétition de l’adjectif « misérable » en relief au début et à la fin du second vers […], le poète donne à ses admonitions le caractère d’une condamnation qui pèse lourdement sur le Mondain. ».30 Analysant les procédés stylistiques du poème, nous remarquons une certaine prédilection pour des figures étymologiques (« mourir », « périr » et « vivre ») encastrées en un jeu parallélistique d’antithèses et d’oxymores ; un procédé que nous retrouvons très souvent dans les octonaires de Chandieu. « La technique de l’antithèse pour les calvinistes », souligne Richter, « exprime une Weltanschauung. Là où l’antithèse est une disposition mentale, une façon de penser et de voir, le parallélisme est l’expression concrète, le moyen technique le plus approprié pour mettre en lumière le clair-obscur de la pensée antithétique. »31
C’est dans ce didactisme austère, dans le caractère fortement moralisateur et notamment dans la forte relation à la poésie davidique que repose la légitimation d’une poésie guidée par les principes de la poétique réformée esquissée par Calvin dans son Institution de la religion chrétienne (1536).32 Se référant à Saint Paul, Calvin forma son idéal d’un sermo rudis et plebeius. Ce souci de vulgarisation de la parole de Dieu, d’être entendu des fidèles les plus simples exige l’utilisation d’une « langue, sinon véritablement populaire, du moins commune, qui fût accessible à tous ceux qui souhaitaient approcher la parole de Dieu. »33 Même si le « lyrisme » calvinien ne renonce pas complètement à l’emploi de figures de style (nous avons démontré l’usage des antithèses, des oxymores, des comparaisons, des métaphores et des parallélismes), le langage doit être clair et simple, fait qui s’ajuste à une poésie didactique qui – avant tout – veut instruire (prodesse). La beauté esthétique – plus rien qu’un plaisir éphémère, donc une vanité – n’y est jamais une fin en soi, ne sert jamais tout seulement à plaire à l’homme. Tout au contraire, la poésie n’est qu’un moyen qui sert un but supérieur qui est le service de Dieu. Le plus grand plaisir du poète (et du lecteur) résulte de la certitude d’appartenir aux élus illuminés par la grâce divine. Comme le psalmiste, le poète est un fidèle qui connait le bon chemin, mais qui sait aussi qu’en étant homme son salut dépend toujours de la grâce de l’Eternel qu’il loue et qu’il prie constamment de ne le laisser retomber dans les ténèbres.34 Comme plusieurs strophes du Psaume 119 qui ressemblent à des prières, les Octonaires sur la vanité et inconstance du monde se terminent par une prière rappelant fortement celle du Psaume :35
C’est folie et vanité
D’estre en ce Monde arresté.
Le plaisir de ceste vie
N’est qu’ennuy et fascherie.
O Dieu, seul sage et constant,
Fay-moy, pour vivre contant,
Recevoir de ta largesse
Ma fermeté et sagesse.
Renoncer aux plaisirs et délices du monde sous-entend renoncer à s’abandonner à une poésie mondaine qui chante l’amour mondain, les beautés du monde et un paganisme ostentatoire. Il est donc normal que Chandieu se détache explicitement de la poésie fortement ornementée de la Pléiade en la parodiant dans certains octonaires. L’octonaire XXIV est ainsi une vraie gifle calvinienne à la poésie pétrarquiste :36
Qu’as-tu ? povre amoureux, dont l’ame demy-morte
Souspire des sanglots au vent qui les emporte.
N’accuse rien que toy. Ton mal est ton desir,
Et ce dont tu te plains, est ton propre plaisir.
Tu n’as autre repos que ce qui te tourmente,
Et t’esjouis au mal dont tu vas souspirant,
Buvant ce doux-amer qui t’enivre et qui rend
Ton plaisir douloureux et ta douleur plaisante.
L’ouverture du poème – la question rhétorique provocatrice « Qu’as-tu ? » – souligne le ton satirique de Chandieu qui ridiculise le « povre amoureux » mondain : au lieu de s’attendrir sur les souffrances de l’amoureux, la voix moralisante du poète anti-mondain condamne les états d’âme et l’attitude égocentriste de cet insensé impie. Stylistiquement, la dérision de la figure de l’amoureux transi s’effectue à travers la dénonciation de ses contradictions par un emploi subtil du vocabulaire pétrarquiste. En reprenant en particulier les techniques de l’antithèse pétrarquisante et de l’oxymore, Chandieu attaque clairement la poésie amoureuse de Ronsard.37
Comme nous avons expliqué en haut, Chandieu s’engagea activement dans la politique pendant les guerres de religion. Même si la majorité des octonaires se caractérise par un ton méditatif (quelquefois rappelant la poésie mystique) et par une actualité intemporelle qui ne se réfère pas à la réalité contemporaine, Chandieu inclut avec l’octonaire XXVI une pièce d’une grande vigueur politique :38
Tu me seras tesmoin, ô inconstante France,
Qu’au monde n’y a rien qu’une vaine inconstance,
Car ta paix est ta guerre et ta guerre est ta paix,
Ton plaisir te desplais et ton soulas t’ennuye.
Tu crois qu’en te tuant tu sauveras ta vie,
Flotant sur l’incertain de contraires effets.
Il n’y a chose en toy qui ferme se maintiene,
Et n’as rien de constant que l’inconstance tiene.
La situation précaire des protestants français explicite l’état paradoxal d’un pays déchiré par une succession d’affrontements cruels suivis de traités de paix rarement respectés. La France est donc un exemple emblématique de la versatilité du monde. Chandieu exprime cela par l’emploi des antithèses, des chiasmes et des oxymores qui produisent un caractère particulièrement incisif sans atteindre le ton militant de ses traités de combat, mais plus polémique et violent que dans sa poésie précédente ; nous pensons surtout à l’« Ode sur les misères des Eglises Françoises qui ont esté par si longtemps persécutées »39 dont le ton est beaucoup plus tempéré.
Les Octonaires sur la vanité et inconstance du monde et les arts : interrelations entre poèmes, emblèmes et madrigaux
Nous avons noté que les références intertextuelles sont très nettes.40 Nous avons aussi expliqué que les rapprochements intertextuels de Chandieu s’accordent tout à fait avec le dogme calvinien. Il y a pourtant aussi de très fortes interrelations entre les octonaires et les arts. En parlant des arts en temps de la Réforme, il faut toutefois envisager leur prestige parmi les réformés. Pensons à l’iconoclasme calviniste : En se référant à l’Exode 2041, Calvin rejeta toutes les images religieuses. Ce qui provoqua – lors de la première guerre de religion en 1562 – de violentes vagues de destructions et de pillages des églises. Malgré cette attitude iconoclaste des réformés, l’interdiction des images resta restreinte au contexte liturgique et n’empêcha pas l’essor de l’imprimerie et des moyens de reproduire des images. Compte tenu du fait que l’emblème a une allure fortement didactique, il est bien compréhensible que des livres emblématiques fussent répandus aussi dans les cercles réformés. L’exemple de l’édition des Octonaires sur la vanité et inconstance du monde comme livre d’emblèmes témoigne de cette mode et démontre que les emblèmes furent très goûtés de tous les contemporains indépendamment de leur confession. Au regard de l’allure épigrammatique des octonaires et de leur répertoire d’images qui très souvent rappelle des topoi de l’art emblématique de l’époque,42 Mauger suppose une influence réciproque entre les modes d’expression artistique.43 Quoi qu’il en soit, la représentation figurée des emblèmes de Delaune vient éclairer la poétique de l’œuvre de Chandieu.
Dans la dite édition de 1580 vingt octonaires dialoguent avec dix-huit estampes d’Étienne Delaune dont on ne sait pas grand-chose sauf qu’il fut probablement né en 1518, qu’il fut protestant et un des meilleurs graveurs de l’école de Fontainebleau reconnue pour son esthétique maniériste et qu’il mourut en 1583.44 La structure de l’ouvrage est exceptionnelle et diffère d’autres livres d’emblèmes de l’époque. Le livre est composé de deux parties : Dans la première partie nous trouvons des vers de Chandieu, dans la deuxième partie des illustrations emblématiques de Delaune. La relation entre poèmes et images est établie d’une manière insolite : Nous avons déjà signalé que dans cette édition les octonaires sont organisés par ordre alphabétique. En effet, c’est ce classement qui « affecte tant la présentation des poèmes que celle des gravures : les lettres d’alphabet, de A à S, qui annoncent chaque octonaire, se retrouvent en effet insérées par Delaune dans la composition gravée correspondante, si bien que l’alphabet articule les images aux vers. »45
Pour mieux comprendre la transposition intermédiale, analysons deux emblèmes de Delaune. Tout d’abord, nous étudierons l’emblème accompagnant l’octonaire numéroté « L » (voir illustration 1),46 octonaire trente-quatre dans l’édition intégrale de 1583.
Tout d’abord, nous pouvons remarquer des différences textuelles entre l’épigramme (subscriptio) et le texte de l’édition ultérieure. Le premier vers « Le monde est un Jardin de fleur fort bonne et belle » ressemble au premier vers de l’octonaire, le second vers – « Mais l’hiver est sa mort qui tout transit et gele » – reprend l’idée de l’évanescence du vers 7 de l’octonaire. La pictura nous présente une interprétation du poème qui nous semble en souligner l’allure calvinienne. Le poème est une énumération d’images qui prolongent la métaphore introduite au premier vers. L’illustration de Delaune souligne l’aspect du memento mori et y ajoute l’idée de l’homme hautain qui croit pouvoir maîtriser la nature et en créer son propre paradis. Au milieu de l’image, nous voyons un magnifique et somptueux château entouré d’un jardin d’agrément avec son promenoir et sa fontaine d’une architecture voluptueuse. Mais hélas, ce n’est qu’une beauté passagère. En indiquant la toute-présence de la grande faucheuse, l’homme respectable et sage nous rappelle que tous les beautés et plaisirs mondains sont éphémères et ne sont que de fausses apparences. Il est intéressant de remarquer que l’homme − homologue du poète-prêcheur, qui nous fait penser à des représentations iconographiques des prophètes − se trouve dans une place supérieure et bien distincte du jardin mondain. Cette place représente la nature intacte comme crée par Dieu, c’est le vrai paradis.
Le dernier emblème de la série illustrant l’octonaire numéroté « S » (octonaire cinquante dans l’édition intégrale de 1583) fonctionne de manière très similaire (voir illustration 2).
La subscriptio « Le monde n’a plaisir que de sa vanité | Mais Dieu le fortifie en toute fermeté »47 présente de nouveau une forme condensé de l’octonaire. Comme dans l’emblème « L », au premier plan, il y a une figure prophétique qui se trouve sur une terrasse élevée. L’homme-prophète est debout sur un fond stable qui représente la nature intacte. Au second plan, nous voyons un vaste paysage qui représente le monde mondain qui est ravagé par la misère et la mort : A droite, un bateau fait naufrage et ses passagers se noient ; à gauche, une ville est en flammes. L’homme-prophète pourtant ne s’intéresse pas aux calamités mondaines, il a trouvé la vie éternelle : il tourne son regard vers l’apparition du soleil resplendissant, symbole de Dieu et la vie nouvelle.
Même s’il est vrai que le style artistique de Delaune est clairement maniériste et témoigne d’une certaine prédilection du graveur pour le détail ornemental, nous ne suivons pas la thèse de Mauger qui présume que les octonaires dans leur transposition emblématique perdent leur austérité et estompent leur caractère strictement calvinien.48 Tout au contraire, nous avons vu que les emblèmes s’inscrivent tout à fait dans la théologie calvinienne.
Calvin n’était pas seulement hostile en ce qui concerne les images, mais aussi la musique. Cependant, contre l’avis très répandu de l’hostilité calvinienne contre la musique, il faut préciser que Calvin insista sur l’importance du chant divin pendant le culte religieux. Or, il est vrai que Calvin repoussa la musique mondaine (très souvent instrumentalisée) qui selon lui est légère et volage et n’est pas convenable au sujet sérieux de la louange de Dieu.49 La musique ecclésiastique, par contre, est simple – c’est-à-dire vocale – et caractérisée par sérénité, gravité et une certaine majesté. Comme Calvin le constate dans son traité de théologie Institution de la religion chrétienne (1559), le chant des Psaumes fait partie de la prière publique et représente un élément fondamental pour édifier le fidèle. Le chant commun des cantiques fait – contrairement à la tradition catholique – participer le fidèle activement à la louange de Dieu. En même temps, le chant est un moyen d’exprimer l’émotion spirituelle du croyant et de renforcer le sentiment communautaire de la paroisse. D’où l’engagement de Calvin d’élaborer un recueil de chants ecclésiastiques qui fut finalement réalisé par la publication du Psautier de Genève en 1562. Le Psautier de Genève est une traduction complète des 150 Psaumes de David mis en rime par Clément Marot, Théodore de Bèze et Calvin lui-même et accompagné de mélodies destinées à être chantées qui – au moins partiellement – furent créées par Pascal L’Estocart. Alors, dans les cercles des adeptes de la Réforme du seizième siècle, le cantique est bien à la mode. C’est dans cette vogue qu’il faut inscrire la mise en musique des octonaires qui sont dans leur caractère très proches des Psaumes. La transformation des poèmes en chansons spirituelles de caractère édifiant fut réalisée par Pascal de L’Estocart et, deux décennies plus tard en 1606, par le compositeur protestant Claude Le Jeune.
L’Estocart, né à Noyon vers 1537/38 et mort après 1587, fut actif à Lyon, Genève et Bâle. On sait peu de choses sur la biographie du musicien ; on ne sait même pas s’il fut protestant convaincu, mais on sait qu’il s’est rallié à la Réforme et fut intégré à un milieu humaniste et calviniste et qu’il fut en relation avec Théodore de Bèze, Jean de Sponde et Antoine de Chandieu. Suite au très grand succès de son Premier livre des octonaires,50 L’Estocart fut encouragé par son entourage et lança – en même année – le Second livre des octonaires.51
De même que la Réforme déclencha une réforme révolutionnaire de la poésie – le genre d’octonaire en est le meilleur exemple –, elle eut aussi des conséquences révolutionnaires pour la musique religieuse en France. Barker résume : « In a broad sense, the effect of the Reformation on music was to democratise what had previously been [and in the Catholic ; M.H.] tradition [still was] exclusive. »52 Selon l’exigence de Calvin de s’attacher à faire comprendre les paroles de Dieu à tous les hommes, la nouvelle chanson spirituelle est caractérisée par une simplicité de la mélodie et une articulation très claire des mots qui sont au centre des chansons. Pour garantir cette clarté sonore, L’Estocart employa pour l’harmonisation des octonaires le modèle de la nouvelle chanson spirituelle dont les textes – contrairement au motet traditionnel – étaient écrits en français.53 Le style et la technique furent empruntés du madrigal spirituel à l’exemple italien de la Musica spirituale. Libro primo. Di canzon et madrigali a cinque voci (Venice, 1563) qui recourt aux procédés du madrigal profane sur des textes bibliques et moralisateurs54 :
Le jeu polyphonique du madrigal permet de faire ressortir l’éclat grinçant de deux mots essentiels que l’on veut opposer en les mettant en épingle. Ils constituent une des images-clefs sur lesquelles repose l’équilibre instable de la poésie. La rigueur de la construction maintient au discours musical une cohérence d’ensemble qui, seule, permet toutes les audaces – qu’elles soient de nature purement techniques, liées au langage harmonique proprement dit, ou qu’elles soient l’émanation directe des audaces du texte : figuralisme, brutalité des modifications chromatiques, syncopes …55
Conclusion
Chandieu est l’un des plus grands poètes protestants anti-mondains du XVIe siècle. Sa vie comme sa poésie sont fortement liées à la Réforme et aux troubles des guerres de religion. Son œuvre littéraire est un sismographe du destin du protestantisme en France : A l’époque turbulente des guerres de religion, Chandieu est l’auteur d’une littérature de combat dominée par la polémique directe contre le prince des poètes. Après les massacres de la Saint Barthélemy, il se détourne de la politique religieuse active et accepte le fait que le protestantisme en France reste une minorité religieuse. « As events forced him to reconsider his faith and his fellow man, Chandieu came to encapsulate in his writing the desillusionment many Protestants felt about the material world, with their hopes resting on the glory that awaited the mat God’s side after a lifetime of loyal service. »56 Dans sa poésie, ce tournant se reflète dans un ton contemplatif qui atteint même un certain dégré de mysticisme. Les poèmes de son recueil Octonaires sur la vanité et inconstance du monde en sont le meilleur exemple. Comme nous l’avons expliqué, le genre de l’octonaire est un exemple pertinent des réformes esthétiques et poétiques dues à la théologie calvinienne. Plus précisément, comme genre didactique, l’octonaire s’inscrit volontairement dans les activités traductrices de Calvin et de ses adeptes. Tout au contraire de la poésie (catholique) de la Pléiade, les octonaires suivent une esthétique de la simplicité et de la clarté pour transmettre la parole de Dieu. Les sujets centraux de la vanité de la vie mondaine et de l’inconstance du monde rappellent des topoi du discours baroque, mais nous avons montré que le poète des octonaires est un personnage qui sait avoir atteint la grâce de Dieu, il appartient aux élus. D’où sa constance et son ton sûr et exhortatif. Nous avons aussi démontré que les adaptations emblématiques et musicales des octonaires par Delaune et L’Estocart s’inscrivent dans la même perspective et soulignent – selon les moyens d’expression des médias respectifs – la sérénité anti-mondaine et l’austérité calvinienne des poèmes de Chandieu.
Voir David El Kenz, « L’homme de douleur protestant au temps des guerres de religion », Médiévales 27 (1994) : 59–66, ici 59–60.↩
Pour une biographie de Chandieu voir Sarah Barker, Protestantism, poetry and protest : the vernacular writings of Antoine de Chandieu (c. 1534-1591) (Farnham : Ashgate, 2009).↩
La prolifération des pamphlets est fortement liée à l’essor de l’imprimerie ; pour cela on appelle les années soixante du quinzième siècle aussi le « pamphlet moment » (voir Barker, Protestantism, poetry and protest, 109–110). Pour une étude de la polémique protestante voir Jacques Pineaux, La polémique protestante contre Ronsard, vol. 2 (Paris : Didier, 1973).↩
Pierre de Ronsard, Discours des misères de ce temps, sous la direction de Malcolm Smith (Genève : Droz, 1979) : 70–71, v.159–166 et v.175–178.↩
Voir Barker, Protestantism, poetry and protest, 109–160.↩
El Kenz, « L’homme de douleur protestant au temps des guerres de religion », 66.↩
Barker, Protestantism, poetry and protest, 225–226.↩
Françoise Bonali-Fiquet, « Introduction », dans Antoine de Chandieu, Octonaires sur la vanité et inconstance du Monde, sous la direction de Françoise Bonali-Fiquet (Genève : Librairie Droz, 1979), 7–37, ici 12. Pour une étude comparée des versions manuscrites et édites voir François Rouget, « Manuscrits, éditions et transformations : Les octonaires sur la vanité et inconstance du monde d’Antoine de Chandieu », Bulletin – Société de l’histoire du protestantisme français 152 (2006) : 565–582 et François Rouget, « Sur une version inédite partielle des Octonaires d’Antoine de la Roche-Chandieu », French Studies Bulletin 29 (2008), 10–14.↩
Rouget, « Manuscrits, éditions et transformations », 566.↩
Florence Mauger, « Les Octonaires … d’Antoine de Chandieu : Archéologie d’un titre », Revue d’histoire littéraire de la France 99/5 (1999) : 975–988, ici 975.↩
Il faut quand-même préciser que ce n’est que dans la dédicace de L’Estocart que nous retrouvons le nom d’auteur des octonaires (Bonali-Fiquet, « Introduction », 39).↩
D’autres pseudonymes sont Theopsaltes et La Croix (voir Theodor Schott, « Chandieu », The New Schaff-Herzog Encyclopedia of Religious Knowledge, vol. III (1952), consulté le 15 juin 2015, www.ccel.org/s/schaff/encyc/encyc03/htm/ii.ii.htm).↩
Barker, Protestantism, poetry and protest, 231–232↩
Bonali-Fiquet, « Introduction », 21–22.↩
Voir Adrien Ladrierre, « Les Psaumes », Bibliquest (1872/2012), consulté le 15 juin 2015, www.bibliquest.org/AL/BNv-at19-Psaumes.htm#TM21.↩
Pineaux explique cela ainsi : « Chandieu lui-même préféra sans doute « octonaire » à « huictain », car se souvenant de la composition fragmentée du psaume 119, il désirait souligner le caractère religieux de son œuvre tout en jouissant au moins des mêmes facilités que l’hébreu : pas d’ordre rigoureux dans la suite des huitains (de fait aucune des éditions françaises ou latines que je connais [dit Pineaux ; M.H.] n’adopte la même numérotation) » (Jacques Pineaux, La poésie des protestants de langue française (1559 – 1598) (Paris : Klincksieck, 1971), 325).↩
Mauger, « Les Octonaires », 979–980.↩
Mauger, « Les Octonaires », 983.↩
Mauger, « Les Octonaires », 986–987.↩
Tous les octonaires sont cités selon Antoine de Chandieu, Octonaires sur la vanité et inconstance du Monde, dir. par Françoise Bonali-Fiquet (Genève : Librairie Droz, 1979), ici 94.↩
Chandieu, Octonaires, 45.↩
Bonali-Fiquet, « Introduction », 29.↩
Bonali-Fiquet, « Introduction », 22.↩
Chandieu, Octonaires, 71.↩
Pineaux, La poésie des protestants, 421.↩
Pineaux, La poésie des protestants, 421.↩
Chandieu, Octonaires, 47.↩
Chandieu, Octonaires, 53.↩
Bonali-Fiquet, « Introduction », 34.↩
Bonali-Fiquet, « Introduction », 34.↩
Mario Richter, Jean de Sponde et la langue poétique des protestants, traduit de l’italien par Yvonne Bellenger et François Roudaut (Paris : Éditions Classiques Garnier, 2011), 45.↩
Pour une interprétation de la théologie calvinienne comme déclencheur d’une réforme poétique voir : Véronique Ferrer, « La lyre protestante : Calvin et la réforme poétique en France », Revue de l’histoire des religions 226 (2009) : 55-75 et Véronique Ferrer, « Pour une poétique réformée : l’influence de Calvin sur les poètes des XVIe et XVIIe siècles », Revue de l’histoire des religions 110 (2010) : 883-899.↩
Richter, Jean de Sponde, 105.↩
« [À] travers le « Je » s’exprime non seulement le poète, mais aussi la voix de chacun des fidèles, la voix du chrétien illuminé par la grâce, heureux de communiquer la joie nouvelle qui s’empare de lui. » (Bonali-Fiquet, « Introduction », 37) Le « je » se manifeste dans les octonaires suivants : XXI, XXXVI, XLI, XLIV, XLV, XLVI, XLVIII et L.↩
Chandieu, Octonaires, 95.↩
Chandieu, Octonaires, 65. Il ne faut pourtant pas ignorer que Chandieu n’emprunte pas seulement quelques thèmes (on pense à des variations de la tradition ronsardienne des Antiquitez de Rome) de son grand rival Ronsard, mais utilise aussi un répertoire d’images, de thèmes et de formules empruntés aux pratiques stylistiques de la Pléiade (Bonali-Fiquet, « Introduction », 32–33).↩
Voir Pineaux, La poésie des protestants, 417–418.↩
Chandieu, Octonaires, 67.↩
Réimprimé dans B.S.H.P.F. 33 (1884) : 77–86.↩
On recense aussi beaucoup de références intertextuelles aux œuvres de Théodore de Bèze et de Du Bellay (Bonali-Fiquet, « Introduction », 36–37).↩
« Tu ne te feras point d’image taillée, ni de représentation quelconque des choses qui sont en haut dans les cieux, qui sont en bas sur la terre, et qui sont dans les eaux plus bas que la terre. Tu ne te prosterneras point devant elles, et tu ne les serviras point ; car moi, l’Éternel, ton Dieu, je suis un Dieu jaloux, qui punis l’iniquité des pères sur les enfants jusqu’à la troisième et la quatrième génération de ceux qui me haïssent et qui fais miséricorde jusqu’en mille générations à ceux qui m’aiment et qui gardent mes commandements. » (Exode 20, v.4–6)↩
On pense à la vocation d’Alexandre, philosophe et laboureur, aux ruines romaines, aux cycles des vices allégorisés, au cycle métaphorique des saisons ou bien au monstre de l’octonaire XLVI.↩
Florence Mauger, « Antoine de Chandieu et Etienne Delaune : Les Octonaires sur la Vanité et Inconstance du Monde. Un recueil d’emblèmes ? », Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance 58/3 (1996) : 611-629, ici 611–612.↩
Comme plusieurs autres huguenots, il fut obligé de fuir de Paris à Strasbourg après avoir échappé au massacre de la Saint-Barthélémy en 1572. En 1576 il quitta Strasbourg pour Augsbourg, pour revenir à Strasbourg en 1580. Aujourd’hui essentiellement connu comme graveur, Delaune fut aussi orfèvre, médailleur et dessinateur. Il est l’«[a]uteur de plus de quatre cents petites gravures, extrêmement fines, qui offrent un panorama assez complet du style décoratif de l’école de Fontainebleau qu’il contribuera à diffuser sous le règne de Henri II. […] La plupart de [s]es gravures sont [donc] des compositions décoratives dans lesquelles le sujet allégorique ou mythologique ne semble qu’un prétexte. » (Michel Melot (2012), « Delaune Étienne (1519 env. – env. 1583) », Encyclopædia Universalis, consulté le 15 juin 2015, www.universalis.fr/encyclopedie/etienne-delaune). Pour l’œuvre de Delaune, voir Christophe Pollet, Les gravures d’Etienne Delaune, 2 vol. (Villeneuve d’Ascq : Presses universitaires du Septentrion, 1995).↩
Mauger, « Les Octonaires », 975.↩
On découvre le « L » vers le milieu de la bordure supérieure.↩
Pollet, Les gravures, vol. II, 728.↩
Voir Mauger, « Antoine de Chandieu », 628.↩
Pour un survol de la musique protestante en langue française voir Édit Weber, La musique protestante en langue française (Paris : Honoré Champion, 1979). Pour une analyse de Calvin et la musique voir Eckhard Grunewald, Henning P. Jürgens et Jan R. Luth, Der Genfer Psalter und seine Rezeption in Deutschland, der Schweiz und den Niederlanden : 16. - 18. Jahrhundert (Tübingen : Niemeyer, 2004) et Jan R. Luth (2011), « Das Verständnis der Musik bei Johannes Calvin und seine Nachwirkungen », consulté le 15 juin 2015, www.reformiert-info.de/7731-0-105-21.html.↩
Sur ce point, il nous semble particulièrement intéressant de signaler que les octonaires – malgré leur force calviniste – furent très appréciés en milieu catholique (Bonali-Fiquet, « Introduction », 74–75). L’enregistrement d’une interprétation de l’Ensemble Clément Janequin avec le contre-tenor Dominique Visse réalisé en novembre 1982 à l’Eglise des Orphelins d’Auteuil à Paris nous donne une idée de l’adaptation musicale des octonaire par L’Estocart.↩
Le Second livre des octonaires ne contient pourtant aucun poème de Chandieu.↩
Barker, Protestantism, poetry and protest, 233–234.↩
Voir Georg Henkel, « Späte Renaissanceblüten » (2007), consulté le 15 juin 2015, http~://www.ramee.org/articles/musikansich07.html.↩
Voir Musica spirituale, libro primo (Venice, 1563), sous la direction de Katherine Powers (Middleton, Wisconsin : A-R Editions, 2001), iix–x.↩
Jean-François Labie, « Introduction », dans Paschal de l’Estocart, Octonaires de la vanité du monde, Ensemble Clément Janequin, 2e éd. (Arles : harmonia mundi, 2006) 2-5, ici 5.↩
Barker, Protestantism, poetry and protest, 49.↩
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